Facebook et Instagram accusés de partialité, après avoir censuré du contenu lié à Cheikh Jarrah
Par AlAhed avec sites web
Imaginez la douleur d'être expulsé de votre propre maison. Imaginez ensuite être incapable de faire savoir au monde ce qui vous arrive. C’est la réalité à laquelle font face les Palestiniens du quartier de Cheikh Jarrah, à al-Qods occupée (Jérusalem), où vivent 28 familles de la Nakba de 1948.
En vertu du droit international, le secteur oriental de la Ville sainte (Jérusalem-Est) est considéré comme faisant partie des Territoires palestiniens.
Au début de 2021, le «tribunal de district de Jérusalem» a «approuvé» la décision d'expulser quatre familles palestiniennes de leurs maisons dans ce quartier.
Le 6 mai, la «Cour suprême israélienne» devait rendre une décision sur les expulsions, dans un contexte de manifestations houleuses et d’affrontements entre Palestiniens et colons israéliens. Compte tenu de l’embrasement, la décision a été reportée au 10 mai.
Des centaines d'utilisateurs des réseaux sociaux ont accusé Instagram et Facebook d'avoir supprimé du contenu et des comptes faisant état de la violence à Cheikh Jarrah.
L'une des vidéos supprimées provenait d’anciennes publications de la journaliste palestinienne Maha Rezeq. Elle concernait le colon israélien Jacob, qui a pris possession de la maison de Muna el-Kurd en 2009. Il lui a dit que s'il ne volait pas sa maison, quelqu'un d'autre le ferait.
«Ce que je partage, ce sont des images brutes, des vidéos, des témoignages de personnes sur le terrain, certains exprimés par un Israélien, un colon, pourquoi est-ce controversé? Tout était explicite, il n'y avait pas de sang ou d'images graphiques enfreignant les règles des réseaux sociaux», explique Rezeq, à Arab News. Seul son contenu ayant trait à Cheikh Jarrah a été supprimé.
«Dans mes archives, seuls des stories et des posts liés à la dénonciation des crimes israéliens contre les Palestiniens ont été supprimés», poursuit-elle.
Mohammed el-Kurd, un écrivain palestinien d’al-Qods occupée, publiait des vidéos et des stories sur la violence à Cheikh Jarrah, lorsqu'il a reçu un avertissement selon lequel son compte pourrait être supprimé.
«Certains de vos posts précédents ne respectaient pas notre règlement», peut-on lire dans le message que le réseau social lui a envoyé. «Si vous publiez à nouveau du contenu allant à l'encontre de nos consignes, votre compte pourrait être supprimé, notamment vos posts, vos archives, messages et followers».
Facebook a également supprimé «57 éléments de contenu» de sa page, précisant qu'ils allaient à l'encontre de ses règles.
Yasmin Dabat a affirmé que ses stories avec le hashtag SaveSheikhJarrah, datées du 3 mai, avaient été «supprimées par Instagram sans aucun avertissement ni mise à jour».
Instagram, qui appartient à Facebook, a tweeté qu'il faisait face à des problèmes techniques le 6 mai, après que des centaines de personnes ont commencé à signaler la censure.
«Nous savons que certaines personnes rencontrent des problèmes pour télécharger et visionner des stories. Il s’agit d’un problème technique mondial qui n’est pas lié à un sujet particulier, et nous sommes en train de le résoudre. Nous vous fournirons une mise à jour dès que possible», avait alors affirmé le réseau social.
Nadim Nashif, directeur d'une organisation à but non lucratif appelée «7amleh» (de l'arabe "Hamlé" qui veut dire opération ou campagne NDLR), qui défend les droits numériques des Palestiniens, a déclaré que cette explication ne tenait pas.
«C'est très étrange, comme vous le savez, de comparer ce qui s'est passé dans un certain quartier de Jérusalem, avec des pays immenses comme le Canada, les États-Unis et la Colombie. Cela ne nous semble pas logique, ce ne sont pas vraiment des explications crédibles, parce qu'au Canada et aux États-Unis ils ont supprimé des stories sur une grande variété de sujets, alors qu’il s'agissait ici d'un hashtag bien particulier, lié à Cheikh Jarrah», a-t-il affirmé.
Nashif a précisé que la censure des Palestiniens se faisait à travers deux canaux.
«L’une des choses que font les Israéliens est de pousser les plates-formes des réseaux sociaux à adopter leurs propres normes, pour définir ce qui est publiable ou non. Il existe une importante coopération entre eux et Facebook principalement».
Selon le directeur de 7amleh, une telle politique conduit à ce qu'on appelle des «suppressions volontaires», où les cyberunités israéliennes envoient des demandes aux plates-formes de réseaux sociaux pour supprimer un contenu spécifique sans ordonnance du tribunal».
Par ailleurs, Nashif pointe les opérations d'armées de trolls et d'applications appelées «Act.IL», «qui poussent les utilisateurs à signaler le contenu de manière disproportionnée».
Act.IL est une application qui se décrit comme «le lieu où tous les partisans, communautés et organisations pro-israéliens se réunissent pour travailler ensemble, afin de «lutter contre la diabolisation et la délégitimation» de l'Entité israélienne.
Les Palestiniens sont également réduits au silence sur les réseaux sociaux, grâce à l'utilisation de l'intelligence artificielle par ces mêmes plates-formes pour identifier le contenu qui enfreint leurs règles d'utilisation.
«Les plates-formes des réseaux sociaux utilisent l'intelligence artificielle pour effacer des informations, en se basant sur l’utilisation de mots-clés, principalement en se référant à ce que le gouvernement américain considère comme des +organisations terroristes+», a expliqué Nashif.
Instagram a caché le hashtag «Al-Aqsa» (en arabe) il y a deux jours, lorsque la police israélienne a été déployée en grand nombre, alors que des milliers de musulmans faisaient les prières des Tarawih. Les médecins ont déclaré que plus de 200 Palestiniens avaient été blessés cette nuit-là.