Le «martyr Soleimani», général devenu symbole en Iran, un an après son assassinat
Par AlAhed avec AFP
La République islamique d'Iran s'apprête à commémorer cette semaine le premier anniversaire de l’assassinat dans un raid américain du puissant général Qassem Soleimani, artisan de la stratégie régionale de Téhéran, désormais au panthéon des chefs militaires de l'histoire du pays.
Chef de la Force Qods --unité d'élite chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique d'Iran--, Soleimani a été assassiné le 3 janvier 2020 dans une attaque de drone américaine contre son convoi près de l'aéroport de Bagdad.
Les autorités iraniennes n'ont pas encore annoncé les détails des commémorations de cet anniversaire, qui tombe samedi selon le calendrier persan (dimanche selon le calendrier grégorien) et intervient alors que les grands rassemblements sont prohibés en raison de la pandémie de Covid-19.
Au lendemain de son assassinat, des foules immenses avaient déferlé partout en Iran pour rendre hommage au chef militaire.
Cet anniversaire intervient également un peu plus d'un mois après l'assassinat à Téhéran d'un éminent physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, élevé au rang des «grands martyrs». Téhéran a accusé «Israël», qui n'a pas réagi.
Les célébrations auront également lieu à quelques semaines du départ du président américain Donald Trump de la Maison Blanche, après un mandat à mener une campagne de «pression maximale» contre l'Iran.
Ces dernières semaines les tensions ont à nouveau augmenté entre les deux ennemis qui n'étaient pas passés loin de l'affrontement direct après la mort de Soleimani. Téhéran avait riposté le 8 janvier par des frappes sur des bases abritant des soldats américains en Irak.
Déclaré «martyr vivant» par sayed Ali Khamenei avant même qu'il ne soit tué, Soleimani avait reçu en mars 2019, de la main du Leader de la Révolution islamique, l'ordre de Zulfiqar, la plus haute distinction militaire en Iran.
Il reste à ce jour le seul à l'avoir reçu depuis la Révolution islamique de 1979 ayant mis fin à la monarchie.
Héros des temps modernes
Quelques jours après son assassinat, le culte du martyr était déjà à son apogée: portraits omniprésents dans les villes, sculptures, chansons et même une série télé immortalisent sa mémoire. D'innombrables rues, autoroutes, bâtiments et lieux publics de Téhéran, Machhad, Chiraz, Kerman et Ispahan (entre autres) ont aussi été baptisés en son honneur.
Commandant charismatique, Soleimani est désormais cité aux côté des généraux les plus célèbres, tombés pour la mère patrie de l'ère préislamique aux temps modernes.
Dans l'une des dizaines de chansons diffusées par la télévision d'Etat lors de ses funérailles, Soleimani est comparé par le poète Milad Erfanpour aux héros mythiques du l'épopée persane «Chahnameh» (le Livre des Rois), dont Rostam (équivalent iranien d'Hercule, ndlr).
«Nous avons eu de nombreux héros, certains fictifs, dans notre longue histoire, mais Soleimani était un véritable être humain que nous avons connu en chair et en os», déclare à l'AFP M. Erfanpour, évoquant l'importance de transmettre notamment à la jeunesse «le message et le récit de la bravoure» du général.
A la mi-décembre, le Leader de la Révolution islamique a affirmé devant le comité pour la commémoration du martyr que «Soleimani concrétisait les valeurs iraniennes» comme «le courage» et «l'esprit combattant».
Selon lui, «c'est ainsi qu'il est devenu le héros de la nation iranienne» toute entière.
«Eviter les tensions»
Dans ses discours, le général ne souhaitait pas se limiter aux supporters idéologiques de la République islamique.
«Soleimani parlait toujours à tous les Iraniens», raconte à l'AFP l'universitaire Mehdi Zakerian.
«Quand il évoquait des sujets sociaux ou politiques en Iran, il tentait toujours de s'exprimer de manière calculée et réfléchie pour éviter les tensions», ajoute-t-il.
En rejetant les personnes «voilées, non-voilées, de gauche, de droite, réformatrices, conservatrices (...) vous ne garderez personne dans votre entourage», avait lancé le général aux politiciens iraniens en 2017, dans une vidéo depuis largement partagée sur les réseaux sociaux, les appelant à établir des liens avec toutes les classes sociales.
Pour Fatima Alsmadi, chercheuse au Centre d'études Al Jazeera à Doha, «il est rare de trouver une personnalité qui fait autant consensus en Iran».