Normalisation Maroc-«Israël»: Alger dénonce l’arrivée de l’entité sioniste à ses frontières
Par Middle East Eye
«Choix stérile», «deal de l’humiliation», «chef-d’œuvre de lâcheté» : du côté algérien, autorités, médias et réseaux sociaux ont unanimement condamné l’accord passé entre les États-Unis et le Maroc.
Sans surprise, l’annonce de la normalisation des relations entre le Maroc et «Israël» en échange de la reconnaissance par Washington de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental a provoqué en Algérie, soutien du Front Polisario, une vague de colère sur les réseaux sociaux et une condamnation unanime des autorités et des partis politiques.
Le Premier ministre Abdelaziz Djerad a évoqué samedi lors d’une rencontre sur les manifestations du 11 décembre 1960, des «opérations étrangères visant la déstabilisation de l’Algérie», ajoutant que «les indicateurs sont aujourd’hui clairs au vu de ce qui se passe à nos frontières».
Il existe selon lui «une réelle volonté d’attenter à l’Algérie», comme le confirme «l’arrivée à présent de l’entité sioniste à nos portes».
De son côté, le ministère des Affaires étrangères algérien a publié samedi un communiqué indiquant que «le conflit du Sahara occidental est une question de décolonisation qui ne peut être résolue qu’à travers l’application du droit international et de la doctrine bien établie des Nations unies et de l’Union africaine en la matière».
Le texte insiste sur «l’exercice authentique par le peuple sahraoui de son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément aux dispositions de la résolution 1514 portant octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, dont la communauté internationale célèbre, cette année, le 60e anniversaire».
Pour l’instant, la diplomatie algérienne n’a pas réagi à la décision de normalisation des relations entre Rabat et «Tel-Aviv».
Le porte-parole du gouvernement, aussi ministre de la Communication, Ammar Belhimer a toutefois qualifié, dans un entretien accordé à El Khabar, la volonté de Donald Trump de plébisciter l’occupation du Sahara occidental en lui reconnaissant une pseudo marocanité de «choix stérile et vain face à la volonté invincible des peuples contre l’occupation et la tyrannie».
«Haute trahison»
Pour les Scouts musulmans algériens, organisme semi-officiel, la normalisation avec «Israël» est une «haute trahison» envers la nation musulmane et «un coup de poignard dans le dos du peuple palestinien et son droit à la libération de sa terre».
L’ancien parti unique, le FLN, a également condamné les annonces de Washington et de Rabat : «Le FLN a appris avec colère et consternation l’annonce par le royaume du Maroc de l’établissement de relations diplomatiques avec l’entité sioniste inique, en contrepartie d’une reconnaissance par le président américain sortant Trump de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental occupé».
Le parti majoritaire du Parlement parle du «du deal de l’humiliation et de la honte, voire une vente de l’honneur de la patrie le jour de la déclaration universelle des droits de l’homme».
L’autre parti proche du pouvoir, le RND a dénoncé «la trahison à l’égard des questions de dignité et de libération dans le monde arabe et islamique par l’officialisation solennelle de la normalisation avec l’entité sioniste en contrepartie de l’obtention du soutien illégal et immoral du président américain sortant concernant le Sahara occidental».
Pour le MSP (tendances Frères musulmans) «quelques que soient les divergences entre eux, les habitants du Maghreb arabe refuseront les ingérences étrangères et sionistes», indiquant que «la propriété historique du quartier des Maghrébins d’al-Qods leur fait porter la responsabilité collective pour soutenir la cause palestinienne et la résistance du peuple palestinien, pour refuser toutes les formes de normalisation et tout soutien à l’entité sioniste».
«Mettre le feu partout avant son départ»
La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a appelé, pour sa part, l’Algérie à se retirer de la Ligue arabe, de la Zone arabe de libre échange, ainsi que de l’accord d’association avec l’Union européenne, estimant qu’ils «sont tous soumis à la domination sioniste».
La leader trotskyste a déclaré que le président américain «vaincu», Donald Trump, a décidé de «mettre le feu partout avant son départ», particulièrement «au Moyen-Orient et au Maghreb», précisant que «la principale cible est le peuple palestinien».
La zaouia (confrérie religieuse) de cheikh Said Ben Mekhlouf El-Hidjazi a condamné aussi la décision du Maroc : «Au moment où l’étau se resserre sur l’entité sioniste et les campagnes de boycott battent leur plein en soutien à la cause palestinienne, l’entité sioniste trouve des brèches par lesquelles elle s’infiltre pour normaliser ses relations avec des pays arabes faisant fi du refus des peuples de ces pays et des âmes éprises de liberté de par le monde».
En plus de la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, Washington a également proposé au Maroc un contrat d’armement pour milliard de dollars, qui comprend notamment des drones de combat.
Selon Reuters, l’administration Trump a notifié le Congrès américain de son intention de signer un accord avec le Maroc pour la vente de drones de combat et de missiles de précision pour un montant d’un milliard de dollars. Le Congrès américain doit être notifié des principaux accords internationaux sur les armes et possède la possibilité de les examiner avant leur adoption.
L’accord comprend la vente de quatre drones de type MQ-9B SeaGuardian, variante du célèbre drone Reaper, produit par General Atomics, ainsi que l’acquisition de missiles de précision Hellfire, Paveway et JDAM produits par Lockheed Martin, Raytheon et Boeing.
«Le Maroc va donc rejoindre l’Algérie et l’Égypte dans le club des armées ayant des drones armés et deviendra après les Emirats arabes unis, le second pays arabe à se doter du Reaper», note le site Menadefense. «La venue du Reaper va donner de grandes capacités au Maroc surtout que cette version peut-être configurée pour des missions marines et anti-sous-marines en plus des missions classiques terrestres.»
Dans les médias, les éditos font écho à ces réactions. «Cette normalisation n’est pas un coup diplomatique à l’actif de la diplomatie marocaine comme on le prétend, mais rien qu’un chef-d’œuvre de lâcheté», lit-on sur le site Algérie Patriotique. «Les relations entre ces deux entités ne datent pas d’aujourd’hui et n’ont bien évidemment jamais été rompues. Le seul élément nouveau, c’est l’intervention d’un président, désormais épave politique, qui devrait se préoccuper non pas de la géopolitique, mais de son propre sort.»