Présidentielle en Côte d’Ivoire: ouverture de la compagne électorale dans un contexte tendu
Par AlAhed avec AFP
La campagne électorale pour la présidentielle du 31 octobre en Côte d'Ivoire s'ouvre jeudi 15 octobre, le président Alassane Ouattara briguant un troisième mandat controversé face à une opposition qui a appelé à la «désobéissance civile» et laisse planer le doute sur un boycott du scrutin dans un contexte tendu, émaillé de violences.
De nombreux observateurs redoutent une crise pré-électorale ou post-électorale, dix ans après celle de 2010-2011 qui avait fait 3.000 morts et plongé le pays dans le chaos.
Quatre candidats seulement sont en lice. Alassane Ouattara, 78 ans, l'ancien président Henri Konan Bédié, 86 ans, ainsi que deux outsiders, Pascal Affi N'Guessan (ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo) et l'ancien député Kouadio Konan Bertin.
Le Conseil constitutionnel ivoirien a en effet rejeté quarante des quarante-quatre candidatures, dont celles de deux figures de la politique ivoirienne, l'ancien président Laurent Gbagbo, en liberté conditionnelle en Belgique après son acquittement en première instance par la Cour pénale internationale, et Guillaume Soro, ancien chef de la rébellion des années 2000 et ex-Premier ministre, qui vit en France pour échapper aux poursuites judiciaires lancées contre lui en Côte d'Ivoire.
L'opposition crie à la «forfaiture» contre la candidature d'Alassane Ouattara. Elu en 2010, réélu en 2015, il avait annoncé en mars qu'il renonçait à briguer un troisième mandat, avant de changer d'avis en août, après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu'avec la nouvelle Constitution de 2016, le compteur des mandats d'Alassane Ouattara a été remis à zéro, ce que conteste farouchement l'opposition.
Une quinzaine de personnes sont mortes en août dans des violences survenues dans le sillage de l'annonce de sa candidature et des échauffourées ont eu lieu dans plusieurs localités après l'annonce du Conseil constitutionnel de la liste des candidats retenus pour le scrutin.
Lors de la campagne, le président Ouattara s'appuiera sur son bilan qu'il dit «excellent», avec de bons indicateurs macro-économiques et un rôle de locomotive régionale retrouvée.
Le président a déjà commencé sa campagne il y a plusieurs semaines avec des «visites d'Etat, à caractère hautement républicain» dans le pays où il est allé d'inauguration en inauguration. Il promet une meilleure répartition de la croissance pour les plus pauvres et dans les régions les plus reculées.
L'opposition, qui accuse de partialité la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel, laisse planer le doute sur un boycott depuis des semaines.
L'ancien président Bédié a lancé un appel à la «désobéissance civile» alors que les autres représentants de l'opposition se sont retirés de la CEI.
«On s'en va à une élection de dupes», estime Assoa Adou, le secrétaire général du Front populaire ivoirien tendance GOR (Gbagbo ou rien).
«Cette élection ne sera pas crédible», estime quant à lui l'ancien ministre des Affaires étrangères Marcel Amon Tanoh, ancien fidèle de Ouattara.
La participation des quelque 7,5 millions d'électeurs de ce pays de 25 millions d'habitants, premier producteur mondial de cacao, sera une des clés de l'élection.
De nombreux observateurs craignent une forte abstention dans un pays où l'âge médian est de 18,7 ans alors que les deux principaux candidats dominent la scène politique depuis 30 ans.
Signe de l'inquiétude générale, la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'Union africaine (UA) et l'ONU ont dépêché sur place une mission qui a exprimé sa «vive préoccupation», soulignant que «les discours de haine aux relents communautaires se sont malheureusement invités dans le champ de la compétition politique».
L'organisation de prévention des conflits International Crisis Group (ICG) préconise elle «un court report de l'élection» qui «offrirait une chance (...) d'apurer le contentieux qui rend improbable l'organisation d'une élection apaisée et transparente le 31 octobre».