Avec un pèlerinage «limité», l’Arabie saoudite voit son économie plombée
Par AlAhed avec AFP
Sites religieux vides, tentes de pèlerins abandonnées, hôtels inhabités : La Mecque, ville la plus sainte de l’Islam, a perdu son animation habituelle à quelques semaines du hajj, qui sera «très limité» en raison du nouveau coronavirus, au risque de plomber l’économie saoudienne.
Parmi les premiers, et, surtout, parmi les seuls : pour contenir la pandémie du nouveau coronavirus, l’Arabie saoudite a décidé de n’accepter que 1000 fidèles vivant sur son territoire pour son pèlerinage fin juillet.
Habituellement, le pays accueille à cette occasion des millions de pèlerins (2,5 millions en 2019), venus pour la grande majorité de l’étranger.
Après avoir suspendu dès mars la omra, le petit pèlerinage qui s’effectue tout au long de l’année, le royaume s’apprête à faire face à un immense manque à gagner : le flux des pèlerins génère chaque année 10,6 milliards d’euros.
Or, le premier exportateur de brut au monde est déjà frappé de plein fouet par la chute des prix du pétrole et l’impact économique du confinement décrété pour lutter contre le virus.
Les gains suscités par le hajj ont insufflé ces dernières années un boom de l’immobilier et du commerce autour des lieux saints.
On y construit à tout-va : centres commerciaux, appartements et hôtels de luxe, dont certains avec vue directe sur la Kaaba, une construction cubique au centre de la grande mosquée vers laquelle se tournent les musulmans du monde entier pour prier.
Les pèlerinages financent directement ou indirectement des centaines de milliers d’emplois dans plusieurs secteurs, des agences de voyages aux sociétés de téléphonie mobile, qui ont dû couper dans leurs effectifs ou réduire les salaires.
L’absence de pèlerins «aggrave les difficultés économiques» du royaume, confirme à l’AFP Richard Robinson, analyste auprès d’Oxford Analytica.
Le tourisme, y compris religieux, est au cœur de l’ambitieux programme «Vision 2030» du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui vise à accroître les revenus non pétroliers du royaume.
Mercredi, le Fonds monétaire international (FMI) a averti que le PIB saoudien allait se contracter de 6,8 % cette année en raison de la faiblesse des prix du brut, sa pire performance depuis les années 1980. C’est 4,5 points au dessous de la prévision du FMI d’avril.
«Coup dur»
Au cours des derniers mois, le groupe BinLaden, un géant du BTP considéré comme une jauge de la santé des entreprises saoudiennes, n’a pas versé de salaire à des milliers d’ouvriers, a indiqué à l’AFP une source du secteur.
La grogne grandit dans les réseaux sociaux, où des employés dénoncent ces manquements, alors que l’entreprise est derrière un projet de 13,3 milliards d’euros à La Mecque, composé d’hôtels et de centres commerciaux qui surplomberont la grande mosquée.
La société cherche à affréter des avions pour renvoyer dans leur pays un grand nombre de ses travailleurs sud-asiatiques, selon la source. L’entreprise n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
La crise liée à la COVID-19 et le ralentissement économique ont entravé d’autres ambitieux projets touristiques du royaume, après le lancement en fanfare en 2019 de visas pour les touristes.
Si le royaume cherche à développer le tourisme en dehors des sites religieux, «les efforts des Saoudiens reposent toujours sur le hajj», estime Kristin Diwan, de l’Arab Gulf States Institute, basé à Washington.
«C’est un pilier important de leurs revenus non pétroliers, et ne pas l’avoir en cette période de perturbation des marchés de l’or noir est un coup dur», souligne-t-elle.