Coronavirus: la France se prépare à un confinement prolongé, Macron chez Raoult
Par AlAhed avec AFP
Emmanuel Macron a rencontré jeudi le Pr Didier Raoult, chantre de l'utilisation très controversée d'un dérivé de la chloroquine contre le coronavirus, à quelques jours d'une allocution au cours de laquelle il doit détailler la suite du confinement face à l'épidémie qui a tué plus de 12.000 personnes en France.
Après avoir rencontré dans la matinée d'autres chercheurs dans un hôpital près de Paris pour faire le point sur la recherche de traitements, le président de la République a passé trois heures à l'Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) de Marseille, où travaille le Pr Raoult. Des images montraient les deux hommes côte à côte, masqués, et conversant sur une terrasse de l'établissement.
Devenu l'une des figures de cette crise, Didier Raoult a publié deux études sur l'hydroxychloroquine (dérivé de la chloroquine, un médicament contre le paludisme) qui prouvent, selon lui, «l'efficacité» de ce traitement contre le coronavirus.
Il est soutenu par un certain nombre de responsables politiques et une pétition baptisée «#NePerdonsPlusDeTemps», lancée par l'ex-ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy et demandant à assouplir les possibilités de prescription de la chloroquine, dépassait jeudi soir les 460.000 signatures.
Mais nombre de scientifiques estiment impossible de tirer cette conclusion sur la seule base de ces études, en raison de la manière dont elles sont élaborées. L'IHU a par ailleurs mis en ligne jeudi soir les résultats d'une troisième étude, plus large, qui corroborerait les précédentes conclusions du Pr Raoult.
Sanofi prudent sur l'efficacité de la chloroquine
Dans ce contexte, le groupe pharmaceutique Sanofi déclare vendredi qu'il n'est pas encore possible à ce stade de «tirer une quelconque conclusion» sur l'efficacité de l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19.
«Les preuves cliniques actuelles sont insuffisantes pour tirer une quelconque conclusion sur l'efficacité clinique ou la sécurité d'emploi de l'hydroxychloroquine dans la prise en charge de l'infection Covid-19», précise Sanofi, qui rappelle que plusieurs études cliniques internationales sont en cours pour évaluer son profil «bénéfice-risque».
«A ce jour, les interprétations des données préliminaires disponibles sur l’hydroxychloroquine dans la prise en charge de l’infection Covid-19 diffèrent».
Si les études sont concluantes, le groupe s'engage à poursuivre le don de ce médicament aux gouvernements à travers le monde. «Si les études en cours s'avèrent positives, nous espérons que notre don jouera un rôle important pour les patients», déclare le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, dans ce communiqué.
Macron s'exprimera lundi
La visite d'Emmanuel Macron à Marseille s'inscrit dans des consultations menées avant son allocution aux Français lundi soir.
Entamé le 17 mars et déjà prolongé une fois, le confinement se poursuivra après mardi prochain, a d'ores et déjà prévenu l'Elysée, sans préciser la durée du nouvel allongement.
Outre cette question, le chef de l'Etat devrait également aborder lundi la situation économique et sociale, alors que l'épidémie et le confinement ont précipité la France dans une récession historique.
Le gouvernement prévoit désormais un effondrement du produit intérieur brut (PIB) de 6% cette année, estimation basée sur un confinement allant jusqu'à mi-mai. «Il s'agit de la plus grande récession en France depuis 1945», a souligné le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire.
Face à l'ampleur de la crise et aux besoins croissants des entreprises, le gouvernement a doublé son plan d'urgence, qui passe de 45 à 100 milliards d'euros, et les dépenses «exceptionnelles» dédiées à la santé vont augmenter de 2 à 7 milliards d'euros, faisant gonfler le déficit et la dette publique.
Le bilan humain s'est encore alourdi, avec au moins 12.210 morts depuis début mars, dont 8.044 à l'hôpital, soit 412 de plus de 24 heures, et le reste notamment dans les maisons de retraite médicalisées (Ehpad).
Mais une lueur d'espoir est venue du nombre de malades en réanimation, qui a baissé pour la première fois depuis le début de l'épidémie, avec 7.066 patients, soit 82 de moins que mercredi.
Cette baisse de pression sur le système de santé permet de penser que «nous sommes en train progressivement de freiner l'épidémie», a dit le numéro 2 du ministère de la Santé, Jérôme Salomon. Mais «c'est un plateau très haut et il faut rester extrêmement prudent», a-t-il averti, appelant à «redoubler nos efforts collectifs et solidaires», notamment en matière de confinement et de gestes barrière.
Pâques confinée
Car en ce «jeudi saint», en France comme à travers le monde, les croyants se préparent à passer le weekend pascal confinés, privés de messes et de réunions pour ce temps fort de leur vie spirituelle et familiale.
Vacances de printemps et beau temps obligent, après Paris et cinq autres départements franciliens, c'est en Alsace, région très touchée, que toute activité sportive individuelle sera interdite en journée à partir du weekend. Une mesure similaire a également été prise à Saint-Etienne.
Et pas question de s'offrir une escapade sur la Côte bleue ou dans les Alpilles: dans les Bouches-du-Rhône, où les vacances débutent également ce week-end, les contrôles du confinement seront renforcés sur le littoral, sur l'autoroute et dans les massifs. Et en Ardèche, les sorties à plusieurs sont interdites.
Dans le cadre d'un contrôle du confinement, un trentenaire est mort mercredi soir à Béziers (Hérault), où un couvre-feu est en vigueur, après une interpellation «difficile» par la police municipale, selon le parquet. Une enquête pour homicide involontaire est en cours.
Troisième CHU de France, les hôpitaux de Marseille craignent un relâchement des comportements à l'approche du long weekend. «Si le confinement n'est pas respecté, tout le gain qu'on a eu risque de se perdre!», a alerté l'un de leurs dirigeants, le Pr Dominique Rossi.
En Ile-de-France, afin de soulager un système hospitalier toujours en très forte tension avec plus de 2.600 personnes en réanimation, deux nouvelles évacuations de malades par TGV auront lieu vendredi vers l'Aquitaine.