Khashoggi: la Turquie dénonce un «verdict scandaleux» en Arabie
Par AlAhed avec AFP
La Turquie a qualifié lundi de «scandaleux» les verdicts rendus par la justice en Arabie saoudite dans le procès du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul, estimant que les vrais commanditaires avaient bénéficié d’une «immunité».
«Le tribunal saoudien a rendu un verdict scandaleux après des mois d’audiences secrètes sur l’assassinat de Jamal Khashoggi», a affirmé le directeur de la communication de la présidence turque Fahrettin Altun dans un message posté sur Twitter.
Cinq Saoudiens poursuivis pour ce meurtre ont été condamnés à mort par un tribunal de Ryad, a annoncé lundi le procureur saoudien.
Aucune accusation n’a toutefois été retenue contre Saoud al-Qahtani, un proche conseiller du prince héritier Mohammed ben Salmane alors que l’ancien numéro deux du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, a été acquitté.
Ces deux hommes étaient pourtant considérés comme les principaux suspects du meurtre. Des responsables turcs ont affirmé à plusieurs reprises que l’ordre de tuer le journaliste avait été donné par le cercle rapproché du prince héritier.
«Faire croire qu’une poignée d’agents du renseignement ont commis ce meurtre revient à se moquer du monde», a ajouté M. Altun, pour qui les vrais commanditaires du meurtre «ont bénéficié d’une immunité».
Plus tôt, le ministère turc des Affaires étrangères a estimé que les décisions du tribunal saoudien sont «loin de répondre aux attentes de notre pays et de la communauté internationale pour éclairer tous les aspects de ce meurtre et pour la manifestation de la justice».
Jamal Khashoggi, un collaborateur du Washington Post, a été assassiné à 59 ans, en octobre 2018 lors d’une opération qui a plongé l’Arabie saoudite dans l’une de ses pires crises diplomatiques et terni l’image du prince héritier Mohammed ben Salmane, soupçonné d’être le commanditaire du meurtre.
Critique du régime saoudien après en avoir été proche, le journaliste a été étranglé et son corps découpé en morceaux par une équipe de 15 hommes venus de Ryad dans le consulat du royaume à Istanbul, selon les responsables turcs. Ses restes n’ont jamais été retrouvés.
Après avoir donné plusieurs versions du meurtre, les autorités de Ryad avaient fini par l’admettre, prétendant toutefois qu’il avait été commis par des agents saoudiens ayant agi seuls et sans ordre de hauts dirigeants.
«Le sort du corps du défunt Khashoggi, l’identification des instigateurs du meurtre et des éventuels collaborateurs locaux sont autant de questions qui restent sans réponses et cela constitue une lacune fondamentale pour la manifestation de la justice», a ajouté le ministère turc.
La fiancée de Khashoggi, Hatice Cengiz, a pour sa part qualifié dans un tweet l’annonce de la justice saoudienne d'«inacceptable».
Washington salue un «pas important»
Pour leur part, les Etats-Unis ont estimé que ces verdicts étaient «un pas important».
«Les verdicts d’aujourd’hui sont un pas important pour faire payer tous ceux qui sont responsables de ce crime terrible», a dit à des journalistes un haut responsable américain.
«Nous avons encouragé l’Arabie saoudite à engager un processus judiciaire juste et transparent et nous continuerons à le faire», a-t-il ajouté.
Le Sénat américain lui-même considère que le prince est «responsable» de la mort de Jamal Khashoggi. Mais le gouvernement de Donald Trump a lui toujours pris soin de ne pas imputer une telle responsabilité à Mohammed ben Salmane, donnant ostensiblement la priorité au maintien de bonnes relations avec le royaume saoudien.
Lundi, l’élu démocrate Adam Schiff, chef de la commission du Renseignement à la Chambre des représentants, a jugé dans un communiqué que le verdict prononcé par la justice saoudienne n’était qu’un prolongement des «efforts du royaume en vue d’établir une distance entre les dirigeants saoudiens, dont le prince héritier et ses conseillers, et le violent assassinat d’un journaliste».
Schiff a promis de continuer «à se battre pour que ceux qui ont autorisé et mené le meurtre prémédité de Jamal Khashoggi rendent réellement des comptes».
«Et nous ferons en sorte que les voix des vrais réformateurs du royaume ne soient pas réduites au silence par un régime saoudien brutal qui jouit inexplicablement du soutien inébranlable du président Trump», a-t-il conclu.