Les manifestations contre le gouvernement reprennent en Irak
Par AlAhed avec Le Monde
La contestation antigouvernementale a repris jeudi soir en Irak, où des appels à de nouvelles manifestations vendredi avaient été lancés.
Les manifestations antigouvernementales, endeuillées début octobre par plus de 150 morts, ont repris en Irak jeudi 24 octobre dans la soirée, à la veille de la mobilisation attendue des nombreux partisans du leader Moqtada Sadr.
L’ensemble des forces de sécurité ont été mises en alerte dès jeudi soir par le gouvernement d’Adel Abdel-Mahdi, arrivé il y a tout juste un an au pouvoir.
Dans la nuit, elles ont fait entrer en action leurs canons à eau pour disperser des dizaines de manifestants arrivés à la porte principale de la Zone verte, où siègent les autorités et l’ambassade américaine, ont déclaré des témoins.
«Protéger les manifestants»
Moqtada Sadr a appelé ses partisans à manifester et a demandé à ses combattants de se tenir prêts à «protéger les manifestants», faisant redouter de nouvelles violences.
Début octobre, 157 personnes ont été tuées, en majorité des manifestants, selon un bilan officiel. Aux cris de «Tous des voleurs», des centaines de personnes ont manifesté sur l’emblématique place Tahrir de Bagdad, qui a été début octobre l’épicentre de la contestation – uniquement séparée de la Zone verte par le pont Al-Joumhouriya.
Le ministre de l’intérieur, Yassine Al-Yasseri, s’y est rendu pour affirmer aux manifestants que les policiers étaient là «pour les protéger». A Nassiriya, à 300 kilomètres plus au sud, les manifestants ont appelé à des «sit-in jusqu’à la chute du régime». A Diwaniya, également dans le Sud, ils étaient également massés sur une place du centre.
Sermon de Sistani
Les manifestations devraient grossir vendredi matin. Et dans l’après-midi, elles seront rejointes par les partisans de Moqtada Sadr, vainqueur des élections législatives et partie de la coalition gouvernementale, qui a réclamé la démission du cabinet et des élections anticipées dans le pays.
Dans ce contexte de crise, le sermon de la mi-journée du grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d’Irak qui passe pour faire et défaire les premiers ministres, est très attendu.
Il y a deux semaines, il avait donné au gouvernement jusqu’à vendredi pour faire la lumière sur les violences et répondre aux demandes des manifestants, sortis pour la première fois en Irak de façon spontanée le 1er octobre.
Séries de mesures
M. Abdel-Mahdi a annoncé des séries de mesures, rendues publiques des listes de centaines de postes de fonctionnaires attribués à des jeunes diplômés et promis des pensions pour les familles des manifestants «martyrs».
Mais il n’a annoncé aucune réforme en profondeur et aucune mesure contre des «gros poissons» dans le douzième pays le plus corrompu au monde, selon Transparency International. La rue veut, elle, une nouvelle Constitution et un renouvellement total de la classe politique.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, M. Abdel-Mahdi s’est adressé à la nation pour défendre son bilan et il a accusé ses prédécesseurs de lui avoir laissé les rênes d’un pays à l’économie exsangue et à la sécurité fragile.
«Tirer les leçons»
Le gouvernement peut toujours compter sur le puissant Hachd Al-Chaabi, deuxième bloc au Parlement et membre de la coalition gouvernementale. Plusieurs de ses chefs lui ont redit ces derniers jours leur «confiance». Mardi, les autorités ont rendu public leur rapport d’enquête sur les violences, qui n’a pas convaincu la classe politique et a attisé la colère de la rue. Elles y accusent les forces de l’ordre d’usage «excessif» de la force, mais ne résolvent pas la question des «tireurs non identifiés». 70 % des morts ont été touchés à la tête ou au torse, selon le rapport.
Avant les nouvelles manifestations, la mission de l’ONU en Irak avait appelé le gouvernement à «tirer les leçons» de début octobre et à «prendre des mesures concrètes pour éviter la violence». Des députés et des responsables politiques avaient appelé à «protéger» les manifestants.
Comme début octobre, les appels à manifester concernent la plupart des provinces du sud, et pas le nord et l’ouest du pays. Le Kurdistan autonome se tient généralement loin des turbulences.