Aujourd’hui, j’ai une opinion négative de ce qu’on appelle la République, dit la mère voilée agressée
Par francetvinfo
Depuis l'incident, elle n'avait donné suite à aucune sollicitation des médias. La femme voilée prise à partie, vendredi 11 octobre, par un élu du Rassemblement national en pleine séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, s'exprime pour la première fois dans une interview publiée mardi 15 octobre sur le site du Collectif contre l'islamophobie en France.
Fatima E., dont la présence dans l'hémicycle a déclenché les foudres de l'élu du RN Julien Odoul, assure avoir participé à cette sortie scolaire sur demande de l'enseignante de son fils, «car aucune autre maman n'était disponible». «On était dans un coin ; je pensais même que personne ne pouvait nous voir», déclare la mère de famille, qui dit participer «régulièrement aux sorties scolaires» de son fils.
«Et là j'entends quelqu'un dire 'Au nom de la laïcité', puis j'entends des personnes qui commencent à crier, s'énerver. Franchement, j'étais là sans être là. La seule chose que j'ai vue, c'était la détresse des enfants. Ils étaient vraiment choqués et traumatisés», raconte-t-elle.
«Et puis moi, je souriais. Ce n'était pas pour narguer, comme j'ai pu entendre certains le dire. Je souriais d'abord à sa bêtise. Et il ne fallait pas que je cède : si moi je paniquais, les enfants auraient été encore plus traumatisés», poursuit Fatima E. Mais la pression a fini par être trop forte : «Quand j'ai vu mon fils en train de craquer, je leur ai dit que je ne pourrais plus rester. (...) Je tremblais de la tête aux pieds et je me sentais en train de tomber. Je ne voulais pas craquer devant les enfants, donc je suis sortie.»
Dans les couloirs du conseil régional, la jeune femme est à nouveau prise à partie, cette fois par une élue anciennement membre du RN. «Parfois le visage de cette dame me revient, j'ai des frissons et je tremble», raconte Fatima E., qui après cet incident dit «comprendre maintenant pourquoi les autres mamans voilées ne participent pas aux sorties scolaires». «J'ai senti un rejet que je n'avais pas senti avant. Et cela va avoir des conséquences», estime-t-elle.
«Aujourd'hui, j'ai une opinion négative de ce qu'on appelle la République», conclut-elle, s'attaquant en particulier aux propos «honteux» du ministre de l'Education, selon lequel le voile n'est «pas souhaitable dans la société».