Au Soudan, l’opposition appelle à des manifestations après la mort de lycéens
Par AlAhed avec AFP
Cinq manifestants, dont quatre étudiants, ont été tués par balles lundi 29 juillet lors d'un rassemblement au Soudan, à la veille de la reprise des négociations entre pouvoir militaire et chefs de la contestation pour finaliser un accord sur la transition. L’un des principaux groupes du mouvement a appelé à de nouvelles manifestations pour dénoncer le «massacre».
L’Association des professionnels soudanais (SPA), l'un des principaux groupes du mouvement de contestation a appelé «notre peuple à descendre dans la rue (...) pour dénoncer le massacre d'El-Obeid et exiger que les coupables soient traduits en justice».
Lundi, dans la ville d'El-Obeid, capitale de l'État du Kordofan du Nord, dans le centre du pays, cinq manifestants ont été tués par balles lors d'un rassemblement, selon un comité de médecins proche du mouvement de contestation. «Cinq martyrs sont tombés sous les tirs de snipers lors d'un rassemblement pacifique», a précisé le comité dans un communiqué en faisant état d'un nombre indéterminé de blessés.
«Nous appelons tous les citoyens et les médecins et les secouristes à se rendre aux urgences à l'hôpital et d'autres hôpitaux qui reçoivent les blessés atteints de balles réelles», a alerté la SPA sur sa page Facebook.
Couvre-feu nocturne imposé
Après le drame, les autorités soudanaises ont annoncé l’imposition d’un couvre-feu nocturne dans quatre villes du Kordofan du Nord, dont El-Obeid. La mesure sera en vigueur de 21 heures locales (19 heures GMT) à 6 heures, et ce pour une période indéterminée, selon un communiqué du bureau du gouverneur de cet État.
Selon Babikir Faisal, un leader de la contestation, «quatre lycéens font partie des cinq martyrs». Des habitants et un journaliste de la ville d'El-Obeid ont confirmé ces informations.
La ville n'avait pas connu de manifestations importantes contre le pouvoir lors des derniers mois de contestation. Mais un résident joint au téléphone par l'AFP a expliqué que le rassemblement de lundi avait été organisé pour protester contre «une pénurie de pain et de carburant dans la ville ces derniers jours». «Les écoliers ont été affectés, en l'absence de transports pour les conduire à l'école», a-t-il souligné. «Aujourd'hui ils ont manifesté et quand leur marche a atteint le centre-ville, il y a eu des coups de feu».
Pays pauvre à l'économie exsangue, le Soudan est en proie à un mouvement de protestation depuis décembre 2018. Déclenchées après le triplement du prix du pain, les manifestations se sont transformées en contestation du régime, qui a poussé l'armée à destituer et arrêter le 11 avril le président Omar el-Béchir, après 30 ans passés au pouvoir.
Elles se sont poursuivies après la mise à l'écart du chef de l'État et la mise en place d'un Conseil militaire, pour réclamer un pouvoir civil et de meilleures conditions de vie.
Appel à suspendre le dialogue
Un leader de la contestation a aussi appelé à suspendre les discussions politiques entre pouvoir et contestation, après les événements d’El-Obeid. «Nous ne pouvons pas nous assoir à la table des négociations avec ceux qui permettent de tuer des révolutionnaires», a affirmé dans un communiqué Siddig Youssef.
Mardi, le Conseil militaire et les chefs de la contestation doivent reprendre les négociations pour finaliser certains points en suspens après la conclusion d'un accord de partage du pouvoir le 17 juillet. Cet accord, obtenu après de difficiles négociations, prévoit un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils, chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans.
Un comité technique représentant les deux parties doit tenir des discussions préliminaires lundi.
Enquête sur la dispersion du sit-in du 3 juin rejetée
L'appel à de nouveaux rassemblements émis lundi intervient alors que plusieurs manifestations ont eu lieu depuis samedi à Khartoum. Cela pour protester contre les conclusions d'une enquête officielle sur la répression meurtrière d'un sit-in de manifestants le 3 juin dans la capitale soudanaise, qui avait fait des dizaines de morts.
Cette enquête a conclu samedi 27 juillet à l'implication de huit paramilitaires, dont trois au moins sont membres des redoutées Forces de soutien rapide (RSF). Celles-ci sont dirigées par le numéro deux du Conseil militaire, Mohammed Hamdan Daglo, qui avait auparavant nié toute responsabilité de ses forces.
Les chefs de la contestation ont rejeté les conclusions de l'enquête, qui évoque un bilan des victimes moins élevé que le leur et exonère la responsabilité du Conseil militaire, qui a affirmé n'avoir pas donné les ordres pour la dispersion. Selon un comité de médecins proche des protestataires, 127 manifestants ont péri le 3 juin.
Depuis décembre, la répression de la contestation a fait 246 morts, y compris les 127 manifestants tués le 3 juin, selon le même comité de médecins.