Deuxième jour du mouvement de désobéissance civile au Soudan
Par AlAhed avec AFP
Une deuxième journée de contestation a été observée lundi en réaction au durcissement de la répression par les généraux au pouvoir, qui a fait plus d’une centaine de morts en une semaine. Parallèlement, trois opposants ont été libérés, selon la télévision d’Etat.
Une semaine après la dispersion sanglante d'un sit-in installé par les manifestants le 6 avril devant le QG de l'armée dans la capitale et au lendemain d'une mise en garde de l'armée, le pays a été «presque totalement» coupé du monde, selon le groupe de défense des droits numériques NetBlocks. «Les connexions internet qui fonctionnent encore sont en train d'être coupées», avait indiqué dans l'après-midi NetBlocks, alors que la contestation utilise internet pour relayer ses mots d'ordre.
Les lignes de connexion internet de Sudatel, principal fournisseur d'accès au Soudan, ont finalement été rétablies en fin de soirée.
La répression a fait depuis le 3 juin 118 morts et plus de 500 blessés, la majorité dans la dispersion du sit-in devant le siège de l'armée, d'après un comité de médecins proche de la contestation. Les autorités estiment à 61 le nombre de morts, dont 49 par des «tirs à balles réelles» à Khartoum.
Arrestation de militaires
Dans un communiqué diffusé par l'agence de presse officielle Suna, le Conseil militaire de transition a annoncé lundi soir l'arrestation au sein des forces régulières de plusieurs personnes en lien avec cette dispersion sanglante. Il n'a précisé ni leur nombre, ni leur fonction, ni de quoi elles sont soupçonnées.
Par ailleurs, des médias officiels ont annoncé la «libération» du dirigeant rebelle Yasser Arman, chef-adjoint du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM-N), et de deux de ses camarades, Ismaïl Jalab et Moubarak Ardoul, interpellés en pleine répression de la contestation la semaine passée.
Mais M. Arman a indiqué à un correspondant de l'AFP à Juba qu'ils avaient en fait été «expulsés» vers le Soudan du Sud et non pas «libérés».
Le SPLM-N fait partie de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation.
Le Conseil militaire de transition est au pouvoir depuis la destitution le 11 avril du président Omar el-Béchir par l'armée sous la pression du mouvement de contestation lancé le 19 décembre dans un climat de crise économique aiguë.
La contestation réclame, depuis la chute du président Béchir, un transfert du pouvoir à un gouvernement civil. Les négociations sont suspendues depuis le 20 mai en raison de divergences sur la composition d'une nouvelle instance qui serait chargée de mener la transition pendant trois ans.
Capitale quasi déserte
Le mouvement de contestation entend faire plier les militaires en maintenant la pression, notamment par la désobéissance civile. Une grève générale de deux jours était parvenue à paralyser le pays fin mai.
Au 2e jour du mouvement de désobéissance civile, quelques magasins ont rouvert à Khartoum, même si la majeure partie de la capitale restait déserte. Quelques bus ont circulé en ville, où davantage de voitures et de passants étaient visibles par rapport à la veille.
Dimanche, quatre personnes ont été tuées, deux à Khartoum et deux autres à Omdourman, ville voisine de la capitale, a indiqué le comité de médecins.
Les militaires au pouvoir ont dit tenir les manifestants pour responsables de la détérioration de la sécurité ainsi que des «récents et malheureux incidents» et de «l'obstruction des routes».
«Le Conseil militaire a décidé de renforcer la présence des forces armées, des RSF (Forces de soutien rapide, ndlr) et des autres forces régulières pour un retour à la vie normale», a prévenu dimanche soir le général Jamal el-Din Omar dans un discours télévisé.
Les RSF, présentées par certains comme un avatar des terribles milices Janjawid du Darfour, sont accusées par la contestation d'être à l'origine de la dispersion du campement devant le QG de l'armée et de la répression qui a suivi.
Dimanche, la police anti-émeute était déjà intervenue dans le quartier de Bahri, dans le nord de Khartoum, pour disperser des manifestants qui, en matinée, avaient construit des barricades.
La contestation a affirmé que le mouvement de désobéissance civile continuerait jusqu'à ce qu'un pouvoir civil soit instauré.