Algérie: «l’armée n’a pas d’autres choix que de pousser à l’élection présidentielle»
Par AlAhed avec Sputnik
L’ex-ministre algérien du Trésor, Ali Benouari, a affirmé qu’en l’absence de classe politique représentative et de solution crédible acceptée par le peuple, l’armée algérienne n’a pas d’autres choix que celui de rester dans le cadre constitutionnel en soutenant l’élection présidentielle du 4 juillet.
Depuis le 22 février, l'Algérie vit au rythme d'une révolution populaire qui exige le départ complet du système politique ayant présidé aux destinées du pays depuis 20 ans. Ce mouvement populaire n'est pas resté sans résultats. En effet, le 2 avril le président Abdelaziz Bouteflika a démissionné de son poste dans le cadre de l'article 102 de la Constitution, et des oligarques proches de lui ainsi que des responsables ministériels ont été arrêtés dans le cadre de la lutte anticorruption.
Cependant, la crise politique n'est pas encore résolue. La rue algérienne exige le départ de tous les symboles du pouvoir Bouteflika, avec en tête Abdelkader Bensalah, l'actuel chef de l'État par intérim, et Noureddine Bedoui, l'actuel Premier ministre, et l'engagement d'une phase de transition. De son côté, l'armée souhaite l'application complète de l'article 102 de la Constitution qui prévoit l'organisation de l'élection présidentielle le 4 juillet prochain, de peur de se retrouver toute seule face au peuple au milieu d'un vide constitutionnel et institutionnel après cette date, si l'élection n'était pas tenue.
Dans un entretien accordé à l’agence russe Sputnik, Ali Benouari, ancien ministre du Trésor (1991-1992), expert international en finances et PDG-fondateur d'Ecofinance à Genève, a affirmé que le peuple «ne peut qu'exprimer son désir de voir l'ancien système partir, mais il n'a pas le pouvoir de le faire partir» sans l'aide de l'armée. Il a par ailleurs expliqué la position difficile dans laquelle se trouve l'armée algérienne pour accompagner la révolution populaire tout en restant dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles.
«C'est très compliqué, moi je me méfie de ceux qui prétendent avoir des solutions simples», a-t-il déclaré. «Par exemple, je me méfie de ceux qui disent Gaïd Salah[le chef de l'état-major de l'armée, ndlr] dégage», a-t-il ajouté, soulignant que «c'est trop simple, il ne serait pas là et après, ça règle quoi, ça ne règle rien du tout».
Répondant à ceux qui disent que le chef de l'armée ne veut pas répondre au reste des aspirations populaires en demandant le départ de tout le système et en suspendant les élections du 4 juillet, M. Benouari a indiqué «l'armée est un cas particulier car elle est la seule institution légitime». «Dans trois mois, si l'élection présidentielle du 4 juillet ne se tient pas, et à mon avis elle ne se tiendra pas, nous serons dans un vide constitutionnel et institutionnel sidéral, où l'armée se retrouvera seule face au peuple». «S'il y a dérapage et violence que va-t-elle faire? Intervenir et tirer sur le peuple? Chose que ni elle ni le peuple ne souhaitent et ne veulent».
Selon l'ex-ministre, «pour aider le peuple à aller vers la transition, l'armée fait ce qu'elle peut dans deux directions: la première pousser vers les élections en application de l'article 102 de la Constitution, même si ni Gaïd Salah ni tout l'état-major ne se font des illusions sur la réussite du processus électoral. Mais ont-ils d'autres choix, à mon avis ils n'en ont pas». «Moi, je dis qu'il ne faut pas regarder seulement l'armée, il faut également que la classe politique et le peuple assument leur responsabilité historique vis-à-vis de la transition», a-t-il soutenu.
Selon l'Algérien, c'est dans ce sens que l'armée «a tenté de donner des gages de garanties au peuple en appelant la justice à mener la lutte contre la corruption» qui a abouti à l'arrestation d'oligarques et de responsables politiques et sécuritaires.
Les 22 et 23 avril, le tout puissant homme d'affaires algérien Issad Rebrab, PDG du groupe agroalimentaire Cevital, les frères Kouninef et Ali Haddad réputés proches de Saïd Bouteflika, ainsi que huit cadres du ministère algérien de l'Industrie ont été placés sous mandat de dépôt par le procureur de la République du tribunal de Sidi M'Hamed, à Alger.