L’UE fait un « croche-pied financier » à l’Arabie saoudite
Par Le Maghreb Le Quotidien de l'Economie
L'inscription de l'Arabie saoudite sur la liste européenne des pays à haut risque de financement du terrorisme pourrait mettre en péril les investissements du plan Vision 2030.
La Commission européenne a officiellement ajouté l'Arabie saoudite à la liste des pays tiers à haut risque de financement du terrorisme et de blanchiment d'argent, rappelle le site d'information Vestifinance.
Les observateurs de la région affirment que la pression internationale sur Riyad, avec le soutien des organes législatifs, pourrait ralentir les investissements étrangers dont le pays a tellement besoin.
L'impact de la décision de la Commission dépendra maintenant de son adoption par d'autres structures législatives européennes. Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont déjà exprimé leur désaccord, qui ont des liens commerciaux importants avec le royaume et y exportent leurs armes. Cependant, ils pourraient tenter de trouver un juste milieu avec l'UE.
L'inscription de l'Arabie saoudite sur cette liste est une « démarche potentiellement très grave », déclare Loretta Napoleoni, experte en financement du terrorisme et auteure du livre Terror, Inc. Cependant, si les USA refusaient d'approuver cette décision, cela marquerait une étape fondamentale. Cela créerait une contradiction « en influençant les investisseurs européens et tous ceux qui agissent sous la juridiction de l'UE, mais sans affecter ceux qui travaillent sous la juridiction des USA et en dollars américains ». Selon elle, les affaires de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme de l'Arabie saoudite sont bien connues. Et cette inscription sur la liste « est justifiée car on sait que l'argent saoudien a financé des organisations djihadistes pendant des décennies », note-t-elle.
Le pays « ne surveille ni ne rapporte aucune opération suspecte », remarque Aïkham Kamel, directeur d'Eurasia Group pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. « Les dirigeants de l'UE ont toutes les possibilités de sanctionner l'Arabie saoudite après l'assassinat de Jamal Khashoggi. De toute évidence Riyad enfreint certaines normes de l'UE, étant persuadé que l'Europe n'osera pas se dresser contre le royaume », analyse-t-il. Aux USA, les républicains et les démocrates avancent différents projets de loi visant à rejeter sur Riyad la responsabilité du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, à annuler le soutien des USA à l'offensive saoudienne contre le Yémen et à se confronter à l'Opep, dont l'Arabie saoudite est le membre le plus influent.
Indépendamment du résultat, toute tâche portée à l'image du royaume renforce les problèmes liés à ses objectifs économiques exposés dans le plan Vision 2030, programme ambitieux du prince héritier ben Salmane visant à diversifier l'économie, réduire sa dépendance envers le pétrole et créer des emplois dans le secteur privé. Le problème central aujourd'hui est celui de l'appel au capital étranger.
L'analyste de Gulf State Analytics, Bianco Cinzia, déclare que le langage utilisé par la Commission « prête à penser que cette démarche vise à forcer le gouvernement, qui recherche des investissements étrangers, à engager des démarches actives afin de devenir un lieu plus acceptable pour les investissements européens ».
Cependant, ajoute-t-elle, étant donné que les banques européennes collaborent plus prudemment que leurs collègues asiatiques et américains avec l'Arabie saoudite et son haut risque politique, « cette démarche pourrait avoir de facto un impact négatif sur le problème, même si elle n'était engagée que partiellement ».