L’UE crée son système de troc avec l’Iran pour contourner les sanctions américaines
Par AFP
Paris, Berlin et Londres se sont mis d'accord sur un montage financier pour contourner les sanctions américaines contre l'Iran et maintenir des échanges commerciaux avec Téhéran, sous la forme d'un troc, dont la mise en place a été annoncée jeudi.
La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni parrainent une initiative pour contourner les sanctions américaines et sauver l'accord sur le nucléaire conclu avec Téhéran à Vienne en 2015. Il s'agit de créer un mécanisme de troc pour permettre aux entreprises de l'Union européenne de commercer avec l'Iran. Cette décision, annoncée jeudi 31 janvier, est saluée par la République islamique comme une « première étape » pour sauver l'accord sur le nucléaire.
« C'est un geste politique important », a soutenu le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, lors d'un point de presse avec ses homologues allemand Heiko Maas et britannique Jeremy Hunt, en marge d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne à Bucarest.
Washington a déjà mis en garde les Européens contre les conséquences de leur décision de contourner ses sanctions contre l'Iran. Les entreprises européennes ou asiatiques se verront interdites de marché américain si elles continuent d'importer du pétrole iranien, ou d'échanger avec des banques iraniennes ciblées par les États-Unis.
Attente d'une structure miroir à Téhéran
Baptisée Instex (Instrument in Support of Trade Exchanges), ce mécanisme sera basé à Paris, dirigé par un banquier allemand, Per Fischer, et lancé avec un capital initial de 3 000 euros fourni par les trois pays. Ce montant est appelé à augmenter rapidement pour être porté à 100 000 euros puis à un million d'euros, a expliqué à l'AFP un diplomate impliqué dans les négociations.
Le système est une création intergouvernementale, mais elle sera endossée par l'UE dans le cadre d'un texte de conclusions sur l'Iran approuvé mercredi par les représentants des 28 à Bruxelles.
Le mécanisme n'est pas encore complètement opérationnel et « il marchera si l'Iran établit de son côté une structure identique, miroir, ce qui reste pour l'instant à faire », a indiqué une source européenne.
Pas de flux financier avec l'Iran
Le mécanisme est complexe. Il y a deux transactions à chaque fois entre un exportateur iranien qui vend à une firme européenne et un exportateur européen qui vend à l'Iran. Les flux financiers se feront entre l'importateur et l'exportateur européens et entre l'importateur et l'exportateur iraniens.
Aucun transfert d'argent ne sera donc réalisé entre l'Iran et les pays européens et aucun flux financier ne sera enregistré entre l'Iran et l'Europe. Les banques du pays de l'importateur et de l'exportateur européens échangeront de l'argent et la même opération sera effectuée en Iran.
« Cela fonctionne comme une chambre de compensation, c'est un système sophistiqué de troc », a-t-on précisé.
Une première étape attendue
À Téhéran, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a salué dans un tweet la création d'Instex, « une première étape attendue depuis longtemps » après « la réimposition illégale de sanctions par les États-Unis ».
« Nous restons prêts pour un engagement constructif avec l'Europe sur un pied d'égalité et avec un respect mutuel », a assuré M. Zarif, qui a joué un rôle majeur dans la signature de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien.
Les Européens veulent que l'Iran continue de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord du 14 juillet 2015, notamment de cesser le programme lui permettant de se doter de l'arme nucléaire malgré la décision des États-Unis de se retirer et d'imposer de nouvelles sanctions économiques à la république islamique.
Ils se sont engagés à trouver une solution pour permettre à l'Iran de continuer à commercer et notamment vendre son pétrole.
« L'Instex va permettre à l'UE de poursuivre un commerce licite avec l'Iran dans les domaines de la santé et de l'agroalimentaire », a expliqué Jean-Yves Le Drian.