France: Macron lance un grand débat «sans tabou» devant les maires normands
Le président français Emmanuel Macron a lancé le grand débat national mardi dans la commune de Grand-Bourgtheroulde, en Normandie. Évoquant «la fracture sociale», comme son prédécesseur Jacques Chirac, il a appelé à une discussion sans «tabou».
C'est le jour J pour le grand débat national. Emmanuel Macron a lancé, mardi 15 janvier, à Grand-Bourgtheroulde (dans l'Eure), une petite commune normande de 3 700 habitants, cette initiative qui se veut une réponse à la mobilisation des «gilets jaunes». Devant quelque 600 maires venus des cinq départements de la Normandie, il a demandé une discussion sans «tabou».
«Je veux qu'on retrouve l'esprit qui m'a porté, aller chercher les solutions chez les gens, je voudrais dans ce grand débat qu'on arrive à une transformation de notre pratique démocratique», avait dit au préalable le chef de l'État lors d'une visite surprise à Gasny, dans l’Eure.
Une déclaration en direction du mouvement de contestation qui s’est rapidement fait éclipsé par d’autres propos, tenus hors micro, et dont plusieurs médias se sont faits l’écho. «Les gens en situation de difficulté, on va davantage les responsabiliser car il y en a qui font bien et il y en a qui déconnent», a affirmé le président lors du conseil municipal de Gasny auquel il a participé.
Une phrase qui n'a pas manqué de faire réagir dans l'opposition. «Le président n'a rien compris. Sa façon de jeter en pâture les plus faibles est insupportable», a dénoncé aussitôt le patron du Parti socialiste, Olivier Faure.
Ni référendum ni élection
Relativement discret depuis un mois, le chef de l’État s’est ensuite rendu à Grand-Bourgtheroulde, une commune normande de 3 800 habitants, afin d’y lancer officiellement le grand débat national.
Ni référendum ni élection, le grand débat national avait été annoncé par le président en décembre afin de répondre au mouvement des «gilets jaunes». Plus d'un mois après l'avoir annoncé, le chef de l'État en a fixé le cadre dans une «lettre aux Français» diffusée dimanche soir, avant de recevoir lundi à l'Élysée une quinzaine de maires de communes rurales qui lui ont remis les «doléances» exprimées par les Français lors de la première phase du débat.
La prise en compte de positions exprimées par les Français par l'exécutif est l'un des points de crispation entre le gouvernement, les «gilets jaunes» et une partie de l'opposition, les deux derniers mettant en doute la sincérité de l'exercice.
Emmanuel Macron a assuré que la grande concertation serait suivie d'effets mais ont dans le même temps fixé des lignes rouges, notamment en matière fiscale, excluant notamment un rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF) comme le réclament les manifestants. «Il ne faut pas raconter des craques: c'est pas parce qu'on remettra l'ISF comme il était il y a un an et demi que la situation d'un seul gilet jaune s'améliorera. Ça, c'est de la pipe», a déclaré le chef de l'État devant les maires.
Sur un autre sujet, Emmanuel Macron s'est toutefois dit prêt à des aménagements. À propos de la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires, il a indiqué vouloir trouver «une manière plus intelligente de la mettre en œuvre», afin qu'elle soit «mieux acceptée» par les Français tout en étant «efficace».
«Il y a 35 questions» dans la lettre aux Français, mais «au-delà de celles qui sont écrites, toutes les questions sont ouvertes», a expliqué le président. «S'il y a des questions intelligentes, des sujets que je n'ai pas vus qui émergent, ils seront aussi pris. Il ne doit pas y avoir de tabou au moment où l'on se parle», a-t-il ajouté.
La «fracture sociale» de Chirac
Citant la «fracture sociale» sur laquelle son prédécesseur Jacques Chirac avait bâti sa campagne présidentielle en 1995, le président a énuméré une série de «fractures» – «territoriale», «économique», «démocratique» – qui ont fragilisé les classes moyennes et préparé, selon lui, l'éruption de la crise des «gilets jaunes» depuis novembre 2018.
«Toutes ces fractures, on les a devant nous, et d'un seul coup, les choses s'effritent, a-t-il expliqué. Je pense qu'il ne faut pas du tout en avoir peur. Il faut refuser la violence parce qu'il ne sort rien de la violence. Il faut refuser la démagogie parce que l'addition des colères n'a jamais fait une solution, mais il nous faut construire les voies et moyens de construire des solutions pour le pays».
Pour cette venue annoncée d’Emmanuel Macron à Grand-Bourgtheroulde, un important dispositif de sécurité a été déployé autour de la commune, avec des barrages filtrants. Quelque 200 manifestants étaient par ailleurs rassemblés en fin de matinée sur un rond-point d'une zone commerciale située à l'extérieur de la ville, tenus à distance par un cordon de gendarmerie.
Source: agences et rédaction