Mohammed ben Salmane en Tunisie aux cris de «Dégage assassin»
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane est arrivé à Tunis mardi soir pour une visite controversée, marquée par des manifestations contre son rôle dans la guerre au Yémen et la répression en Arabie saoudite.
Mohammed ben Salmane (MBS) qui doit rencontrer le président tunisien Béji Caïd Essebsi, est le premier membre de la famille royale saoudienne à se rendre en Tunisie depuis la révolution de 2011.
Des centaines de Tunisiens ont manifesté mardi à l’avenue de Habib Bourguiba, dans le centre de Tunis, contre cette visite, aux cris de «Dégage assassin», «On ne veut pas de ton argent sale», «Vous n’êtes pas le bienvenu»... Tous ont estimé que «Ben Salmane n’a rien à faire en Tunisie».
En effet, le ton semble ferme et les positions prises par de nombreux représentants de la société civile tunisienne sont très claires, comme le montrent les photos et les vidéos partagées sur les réseaux sociaux.
Une première manifestation s’est tenue également lundi en fin de journée devant le théâtre municipal de Tunis contre la venue du prince héritier saoudien dans le cadre d’une tournée à l’étranger, sa première depuis l’affaire de Khashoggi.
En effet, le meurtre du journaliste a altéré l’image du royaume et en particulier celle du prince héritier saoudien. D’autre part, la guerre menée par Riyad contre le Yémen a attisé la tension et a provoqué une position hostile à son égard. Ce conflit qui dure depuis plus de trois ans a fait de nombreux morts et a entraîné une famine sans précédent.
MBS, un véritable danger pour la paix dans le monde
Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) a d’ailleurs déployé sur l’entier du bâtiment qu’il occupe au centre-ville de Tunis une banderole affichant le prince de dos, une tronçonneuse à la main, avec ce slogan: «Non à la profanation de la Tunisie, terre de la révolution».
«Mohamed Ben Salmane est un véritable danger pour la paix et la sécurité dans le monde. Il est l’ennemi de la liberté d’expression», a fustigé le Syndicat dans la lettre signée par son secrétaire général Soukeina Abdessamad.
Outre les internautes, des organisations comme l’Association des femmes démocrates (ATFD) ont exprimé leur opposition. Cette dernière avait également accroché une affiche rejetant la visite. «Non à la venue du bourreau des femmes», a écrit l’ATFD.
Quant à la porte-parole de la présidence, Saida Garrache, elle affirmé, lundi, sur les ondes de Shems FM, que la Tunisie reste sur sa position initiale, qu’elle condamne «l’assassinat atroce» de Jamal Khashoggi, et qu’elle réclame la vérité à ce sujet.
La Tunisie, seul pays à poursuivre sur la voie de la démocratisation après les soulèvements du «Printemps arabe», «est un des rares pays arabes où l'on peut afficher de telles positions», a souligné Youssef Cherif, chercheur en politique internationale.
Cette brève halte se déroule dans le cadre de la première tournée du prince héritier à l'étranger depuis le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat du royaume à Istanbul. Mohammed ben Salmane, qui s'est notamment rendu au Bahreïn et en Egypte, doit ensuite aller au G20 en Argentine.
Le prince héritier est accusé par la presse et des responsables turcs d'avoir commandité ce meurtre, qui a suscité un scandale international et terni l'image de l'Arabie saoudite dans le monde. Les autorités saoudiennes démentent toute implication de sa part.
Contrer le Qatar
Sa venue en Tunisie «s'inscrit dans la lutte entre d'un côté l'Arabie saoudite, et de l'autre le Qatar, premier investisseur arabe en Tunisie, et la Turquie, un de ses principaux partenaires économiques», estime M. Cherif.
Par cette rencontre, après une série de visites ministérielles ces derniers mois, «les Saoudiens cherchent à contrer le Qatar et l'influence qu'il peut avoir» en Tunisie, détaille-t-il à l'AFP.
Sur le plan de la politique intérieure tunisienne, l'Arabie saoudite pèse pour une «diminution du degré de démocratie», selon M. Cherif.
Riyad, qui a accueilli l'ex dictateur tunisien Zine el Abidine ben Ali chassé du pouvoir en 2011, a œuvré «à discréditer la révolution en Tunisie», et n'apprécie pas la place conquise par le parti Ennahdha, souvent considéré comme plutôt proche du Qatar.
En revanche, «ses relations sont bonnes avec la composante de la classe politique liée à l'ancien régime», explique M. Charif.
«L'administration tunisienne voit d'un meilleur œil l'argent saoudien que qatari», ajoute-il, tout en avertissant: «ouvrir la porte aux Saoudiens n'est pas une solution à tous les problèmes, surtout dans une Tunisie en pleine transition».
Source: agences et rédaction