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Cedre: La stabilité moyennant l’aliénation économique

Cedre: La stabilité moyennant l’aliénation économique
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Par Souraya Hélou

Onze milliards de dollars de perdus, onze et demi de trouvés. De retour de la conférence Cedre qui s’est tenue à Paris, il y a quelques jours, les responsables affichent une grande satisfaction. Les médias se font d’ailleurs l’écho de leur optimisme et de leur affirmation qu’ils ont obtenu dans le cadre de cette conférence bien plus que ce qu’ils espéraient. Il y a eu d’abord la participation d’une cinquantaine d’Etats et d’organisations internationales, ce qui prouve l’intérêt que porte la communauté internationale au Liban et que les responsables libanais considèrent comme un point positif. En plus, les sommes avancées dans le cadre de cette conférence sont bien plus importantes que prévu, surtout après la conférence de Rome à la fin du mois de mars, au cours de laquelle, les sommes et les aides matérielles accordées à l’armée libanaise sont restées en deçà de ce qui était prévu, alors que l’Arabie saoudite qui avait d’abord menacé de ne pas participer à la conférence y est venue mais sans apporter de fonds.

Cedre: La stabilité moyennant l’aliénation économique

Sur le plan de la forme, il y a donc réellement un progrès : l’Arabie saoudite a décidé de relancer un crédit de la valeur d’un milliard de dollars alors que les autres pays participants, notamment européens, ont accordé des crédits importants. Le Koweït et le Qatar ont aussi mis la main à la poche et le total s’est élevé à 11 milliards et demi de dollars. Une somme non négligeable et qui n’est pas sans rappeler les onze milliards de dollars dépensés par le gouvernement présidé par Fouad Siniora, qui bénéficiait alors de l’appui total du Courant du Futur et de son chef Saad Hariri, dans les années 2006 et 2007 et jusqu’au premier trimestre de 2008, dont on n’a retrouvé aucune trace dans les documents et dans les finances publiques.

D’ailleurs, dans sa grande joie face à la somme et aux encouragements obtenus, le Premier ministre Saad Hariri a annoncé aux Libanais que les résultats de la Conférence Cedre se traduiront concrètement par la création de 900000 offres d’emplois. Ce qui devrait constituer un immense push pour l’économie libanaise et surtout pour les jeunes Libanais contraints à chercher du travail à l’étranger.

C’est tellement beau que c’en est presque incroyable. Justement, lorsqu’on y regarde de plus près, la réalité est moins prometteuse. D’abord, il est difficile de croire que 900000 offres d’emplois vont être créées au Liban, alors qu’aux Etats-Unis qui est un marché un million de fois plus grand, il n’y en a pas. Ensuite, dans le communiqué final publié à l’issue de la conférence, il est clairement précisé que les Libanais devront partager les emplois avec les déplacés syriens présents dans leur pays. Autrement dit, s’il y a mille nouveaux emplois disponibles, les Libanais devront se les partager avec les Syriens, sachant que dans de nombreuses régions du pays, les Syriens concurrencent les Libanais sur le plan des emplois.

En fait, la véritable clé de la conférence Cedre est là : la communauté internationale et ce qu’on appelle «les pays donateurs» veulent aider le Liban pour qu’il continue à accueillir les déplacés syriens et surtout, pour qu’il ne songe pas à entamer un processus de retour en coordination avec le gouvernement syrien. C’est là que réside le véritable effort accompli par la communauté internationale envers le Liban. En particulier par les pays européens dont la grande terreur réside dans une déstabilisation au Liban qui pourrait pousser le 1,5 million de déplacés syriens qui s’y trouvent à le quitter pour se rendre en Europe. Cette grande peur européenne est accentuée par la volonté affichée du président de la République Michel Aoun de régler au plus tôt le dossier des déplacés syriens au Liban tant leur présence est devenue une menace pour le pays, sur les plans économiques, social et sécuritaire. Le chef de l’Etat a en effet décidé d’ouvrir ce dossier en grand après les élections législatives (pour éviter qu’il ne soit utilisé dans les campagnes électorales) et d’en faire même sa priorité avec la situation économique, quitte, s’il le faut, à ouvrir un dialogue sur le sujet avec le régime syrien. La réponse est donc venue de la conférence Cedre, où le message est clair : nous vous aiderons, mais ne prenez pas seuls une telle initiative.

Toutefois, les aides promises et annoncées sont beaucoup moins généreuses qu’il n’y paraît ou qu’on veut bien le dire. Sur les onze milliards et demi, il n’y a pas un milliard de dons, le reste étant des crédits plus ou moins avantageux. La communauté internationale veut donc bien aider le Liban pour éviter son effondrement sécuritaire et économique, mais elle n’a aucune confiance dans ses institutions, c’est pourquoi, elle a préféré lui accorder des prêts conditionnés, sur le plan de l’utilisation des fonds et de la façon de les dépenser.

Sous prétexte d’aider le Liban, la communauté internationale augmente donc sa dépendance à l’égard de ses créanciers internationaux. Les seules aides sont destinées au service de la dette (qui est très lourd), mais les crédits sont accordés pour des projets précis dont l’exécution est hautement surveillée par les donateurs. Et, comme dit le fameux adage : «Qui donne ordonne». Autrement dit, les donateurs auront leur mot à dire sur la gestion des institutions libanaises…

En conclusion, on peut dire que la conférence Cedre est une grande réussite sur le plan de la confirmation de l’attachement de la communauté internationale à la stabilité du Liban. Mais elle est un grand échec sur le plan de la souveraineté libanaise qu’elle aliène aux donateurs, sans même une certitude que les fonds promis arriveront réellement…

Source : French.alahednews

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