Genève II: l’échec utile… et Washington aurait-t-il trouvé un substitut d’Assad?
L'échec est le plus important résultat de Genève II. Désormais, il est possible de mieux paver la voie au prochain round. Ce dernier échouerait à son tour. Le revers persistera jusqu'à l'entente russo-américaine autour de la forme de la solution politique. Tant que cette solution n'est pas encore mure, quelques pilules d'Aspirine sont requises pour prétendre traiter un cancer.
En effet, l'échec du premier round de Genève II permet aux Russes de dire que le problème réside dans l'opposition. Moscou n'était pas convaincu par la délégation de la Coalition qui a mené les négociations à Genève. Il se serait peut être félicité de la fragilité de cette délégation, non représentative de l'opposition.
A partir de ce jour, Moscou pourrait exercer des pressions afin d'élargir la marge de l'opposition, d'éliminer la Coalition et de pousser à la participation, aux négociations, de la majorité des factions opposantes, de gauche, libérales et laïques.
Ce même échec ne dérange pas Washington. Ce dernier cherche les moyens d'en finir avec le spectre du président Bachar Assad. Il serait bon de lui attribuer la responsabilité de l'échec du premier round des négociations. L'administration de Barack Obama réalise qu'Assad présentera sa candidature aux prochaines présidentielles, l'été prochain. Elle estime que s'il se présente aux présidentielles, il remportera la victoire. Elle subit des pressions russes, iraniennes et chinoises, la pressant de permettre au peuple syrien de décider de son sort.
La communauté internationale croit, que même sous la supervision internationale, la victoire d'Assad est assurée. Elle ne peut admettre ce fait. Mais elle peut aussi renverser le président, ou le tuer. Si elle le risque, l'accord autour du chimique syrien sera paralysé. Les portes de l'Iran lui seront fermées. Un grand différend éclatera avec la Russie et la Chine, qui n'ont pas encore assimilé la ruse internationale dans le meurtre de Mouammar Kadhafi et le renversement de son régime. Le plus dangereux réside notamment dans ce que pourrait être la réaction militaire de l'armée syrienne et de ses alliés. Une réaction inconnue par tous.
Il fallait donc couper l'herbe sous le pied de la délégation officielle syrienne à Genève II.
Les allocutions des ministres américain, turc, saoudien, qatari et français à Montreux, ont prôné de concert la responsabilité d'Assad dans le conflit et le terrorisme. L'ambassadeur américain Robert Ford a complété la campagne par ses déclarations sur «les crimes de guerre».
Le Congrès a relancé ses aides militaires non «létales» à l'opposition syrienne «modérée».
Les États-Unis et la France ont accusé le régime syrien d'entraver la remise des armes chimiques. Washington a évoqué, de nouveau, l'option de la guerre contre la Syrie.
Les messages sont clairs. Il n'est point permis qu'Assad récupère l'initiative. Pourtant, tout est dans son intérêt. La fragmentation de l'opposition politique. L'entretuement entre les rebelles sur le terrain. Les réconciliations qui s'accélèrent sur le terrain. La présence et la vitalité de la délégation syrienne à Genève II. L'envahissement, par cette dernière, des medias étrangers, par les déclarations, les interviews et les informations. Le moral élevé de l'armée loyaliste sur le terrain. Les modifications dans le climat social, puisque les Syriens préfèrent le retour de l'État. S'ajoute à ces données, la fermeté des deux positions, russe et iranienne, aux côtés de l'allié syrien. Les sources des deux parties affirment qu'Assad est toujours une ligne rouge, non seulement le régime.
Que feront Washington et ses alliés?
Trois éventualités se posent :
Ils acceptent le maintien d'Assad, sa candidature et sa réussite à la présidentielle, sur la base d'un accord tacite avec la Russie (ceci est possible en dépit du tapage américain qui l'accompagnerait); Ils tentent, à nouveau, de modifier les équilibres militaires en fournissant des armes létales aux rebelles (ceci est peu probable en raison de l'inquiétude provoquée par Al-Qaïda, Al-Nosra et l'EIIL); ils avancent un substitut de Assad (c'est ce qui est promu ces jours-ci).
Un haut responsable américain indique que le substitut est désormais prêt. Il est réticent quant aux détails. Mais il parle de deux éventualités : « qu'il s'agit d'une personne acceptée par l'armée et par les piliers du régime actuel, de manière à ce qu'elle ne provoque point de problème avec les Russes et les Iraniens, ou bien, que la prochaine présidence soit une autorité transitoire sur la base de Genève II ».
Avant cette date, la ville suisse aurait accueilli des réunions pour parvenir à une entente internationale autour de la forme de l'autorité transitoire, ses prérogatives et son rôle.
Le même responsable américain affirme, sans broncher, que le substitut d'Assad est désormais prêt. Un Alaouite. Il affirme de même, que des contacts ont été effectués avec les responsables syriens dans ce contexte et que la question est discutée avec les Russes à l'heure actuelle. On pourrait entendre un discours similaire de certains leaders de la Coalition syrienne à Genève.
La question est-elle sérieuse ou une simple intimidation?
Certains piliers du pouvoir syrien, ainsi que leurs alliés, croient que les États-Unis n'ontménagé aucun effort pour chercher le substitut. Ils indiquent que c'était leur obsession depuis le premier jour de la décision du renversement d'Assad. Ils affirment que les Etats-Unis n'ont pas réussi à le faire même dans les moments de faiblesse du régime. Comment alors pourraient-ils y parvenir en ce moment, où l'état syrien a rétabli les éléments de sa force? « Il s'agit donc d'une intimidation », constatent ces responsables.
De ce fait, l'échec du premier round de Genève II semble avantageux pour Washington. Ce dernier argue que la délégation de la Coalition a fait de grandes concessions en participant à la conférence; Elle a de même accepté de discuter des questions marginales, renonçant à sa condition préalable, celle relative audépart du président. Washington ajoute,qu'endépit de tous ces faits, la délégation officielle a refusé toute concession quant à la reconstruction de l'avenir politique de la Syrie. Il affirme avoir déployé des efforts drastiques pour encourager la délégation de la Coalition à venir à Genève et que dans le futur, la question serait plus compliquée.
Les Russes et leurs alliés répondent : le régime a aussi fait des concessions en discutant avec ceux qu'ils qualifiaient de terroristes. Il a de même accepté de parler d'une autorité transitoire. Sur ce, Moscou estime que les raisons de l'échec de ce round des négociationsrésident dansl'incapacité de la Coalition àcontrôler le terrain ou à représenter l'opposition.
De ce fait, de prochains rounds de négociations sont nécessaires, en présence d'une large présence effective de l'opposition et des parties régionales. On parle de la participation de l'Iran à ces rounds, prévus dans les mois à venir. On estime que Téhéran, par son accueil cordial au premier ministre turc, RecepTayepp Erdogan, œuvre à tirer le tapis sous les pieds de l'Arabie. Les deux parties, iranienne et turque,cherchent une opposition non soumise au pouvoir saoudien. Ankara veut un prix pour ses récentes positions. Il s'obstine à répéter qu'Assad est le problème essentiel. Il espèrera mollir la position de l'Iran pour qu'il renonce au président syrien. Mais en dépit de ces faits, les réalités sur le terrain prouvent un début de soulèvement turc contre les organisations d'Al-Qaïda. Ceci suffit en soi pour affaiblir les insurgés et trouver un compromis à propos d'Alep et de son rif.
Tout ce qui précède signifie que les éléments de la solution ne sont pas encore finalisés. Il signifie aussi que les efforts se poursuivent incessamment dans les coulisses. Pourtant, si la persistance de la guerre est l'éventualité la plus probable, la nécessité pour les Américains et leurs alliés d'endiguer le terrorisme ne leur laisse plus le faste de gérer la crise syrienne, pour une longue durée. Il faut donc maintenir les deux parties du conflit syrien dans le cadre de rounds successifs de négociations, même si les résultats étaient nuls ou modestes dans les premières périodes.
Article paru samedi 1er février dans le quotidien libanais Al-Akhbra, traduit par l'équipe du site
En effet, l'échec du premier round de Genève II permet aux Russes de dire que le problème réside dans l'opposition. Moscou n'était pas convaincu par la délégation de la Coalition qui a mené les négociations à Genève. Il se serait peut être félicité de la fragilité de cette délégation, non représentative de l'opposition.
A partir de ce jour, Moscou pourrait exercer des pressions afin d'élargir la marge de l'opposition, d'éliminer la Coalition et de pousser à la participation, aux négociations, de la majorité des factions opposantes, de gauche, libérales et laïques.
Ce même échec ne dérange pas Washington. Ce dernier cherche les moyens d'en finir avec le spectre du président Bachar Assad. Il serait bon de lui attribuer la responsabilité de l'échec du premier round des négociations. L'administration de Barack Obama réalise qu'Assad présentera sa candidature aux prochaines présidentielles, l'été prochain. Elle estime que s'il se présente aux présidentielles, il remportera la victoire. Elle subit des pressions russes, iraniennes et chinoises, la pressant de permettre au peuple syrien de décider de son sort.
La communauté internationale croit, que même sous la supervision internationale, la victoire d'Assad est assurée. Elle ne peut admettre ce fait. Mais elle peut aussi renverser le président, ou le tuer. Si elle le risque, l'accord autour du chimique syrien sera paralysé. Les portes de l'Iran lui seront fermées. Un grand différend éclatera avec la Russie et la Chine, qui n'ont pas encore assimilé la ruse internationale dans le meurtre de Mouammar Kadhafi et le renversement de son régime. Le plus dangereux réside notamment dans ce que pourrait être la réaction militaire de l'armée syrienne et de ses alliés. Une réaction inconnue par tous.
Il fallait donc couper l'herbe sous le pied de la délégation officielle syrienne à Genève II.
Les allocutions des ministres américain, turc, saoudien, qatari et français à Montreux, ont prôné de concert la responsabilité d'Assad dans le conflit et le terrorisme. L'ambassadeur américain Robert Ford a complété la campagne par ses déclarations sur «les crimes de guerre».
Le Congrès a relancé ses aides militaires non «létales» à l'opposition syrienne «modérée».
Les États-Unis et la France ont accusé le régime syrien d'entraver la remise des armes chimiques. Washington a évoqué, de nouveau, l'option de la guerre contre la Syrie.
Les messages sont clairs. Il n'est point permis qu'Assad récupère l'initiative. Pourtant, tout est dans son intérêt. La fragmentation de l'opposition politique. L'entretuement entre les rebelles sur le terrain. Les réconciliations qui s'accélèrent sur le terrain. La présence et la vitalité de la délégation syrienne à Genève II. L'envahissement, par cette dernière, des medias étrangers, par les déclarations, les interviews et les informations. Le moral élevé de l'armée loyaliste sur le terrain. Les modifications dans le climat social, puisque les Syriens préfèrent le retour de l'État. S'ajoute à ces données, la fermeté des deux positions, russe et iranienne, aux côtés de l'allié syrien. Les sources des deux parties affirment qu'Assad est toujours une ligne rouge, non seulement le régime.
Que feront Washington et ses alliés?
Trois éventualités se posent :
Ils acceptent le maintien d'Assad, sa candidature et sa réussite à la présidentielle, sur la base d'un accord tacite avec la Russie (ceci est possible en dépit du tapage américain qui l'accompagnerait); Ils tentent, à nouveau, de modifier les équilibres militaires en fournissant des armes létales aux rebelles (ceci est peu probable en raison de l'inquiétude provoquée par Al-Qaïda, Al-Nosra et l'EIIL); ils avancent un substitut de Assad (c'est ce qui est promu ces jours-ci).
Un haut responsable américain indique que le substitut est désormais prêt. Il est réticent quant aux détails. Mais il parle de deux éventualités : « qu'il s'agit d'une personne acceptée par l'armée et par les piliers du régime actuel, de manière à ce qu'elle ne provoque point de problème avec les Russes et les Iraniens, ou bien, que la prochaine présidence soit une autorité transitoire sur la base de Genève II ».
Avant cette date, la ville suisse aurait accueilli des réunions pour parvenir à une entente internationale autour de la forme de l'autorité transitoire, ses prérogatives et son rôle.
Le même responsable américain affirme, sans broncher, que le substitut d'Assad est désormais prêt. Un Alaouite. Il affirme de même, que des contacts ont été effectués avec les responsables syriens dans ce contexte et que la question est discutée avec les Russes à l'heure actuelle. On pourrait entendre un discours similaire de certains leaders de la Coalition syrienne à Genève.
La question est-elle sérieuse ou une simple intimidation?
Certains piliers du pouvoir syrien, ainsi que leurs alliés, croient que les États-Unis n'ontménagé aucun effort pour chercher le substitut. Ils indiquent que c'était leur obsession depuis le premier jour de la décision du renversement d'Assad. Ils affirment que les Etats-Unis n'ont pas réussi à le faire même dans les moments de faiblesse du régime. Comment alors pourraient-ils y parvenir en ce moment, où l'état syrien a rétabli les éléments de sa force? « Il s'agit donc d'une intimidation », constatent ces responsables.
De ce fait, l'échec du premier round de Genève II semble avantageux pour Washington. Ce dernier argue que la délégation de la Coalition a fait de grandes concessions en participant à la conférence; Elle a de même accepté de discuter des questions marginales, renonçant à sa condition préalable, celle relative audépart du président. Washington ajoute,qu'endépit de tous ces faits, la délégation officielle a refusé toute concession quant à la reconstruction de l'avenir politique de la Syrie. Il affirme avoir déployé des efforts drastiques pour encourager la délégation de la Coalition à venir à Genève et que dans le futur, la question serait plus compliquée.
Les Russes et leurs alliés répondent : le régime a aussi fait des concessions en discutant avec ceux qu'ils qualifiaient de terroristes. Il a de même accepté de parler d'une autorité transitoire. Sur ce, Moscou estime que les raisons de l'échec de ce round des négociationsrésident dansl'incapacité de la Coalition àcontrôler le terrain ou à représenter l'opposition.
De ce fait, de prochains rounds de négociations sont nécessaires, en présence d'une large présence effective de l'opposition et des parties régionales. On parle de la participation de l'Iran à ces rounds, prévus dans les mois à venir. On estime que Téhéran, par son accueil cordial au premier ministre turc, RecepTayepp Erdogan, œuvre à tirer le tapis sous les pieds de l'Arabie. Les deux parties, iranienne et turque,cherchent une opposition non soumise au pouvoir saoudien. Ankara veut un prix pour ses récentes positions. Il s'obstine à répéter qu'Assad est le problème essentiel. Il espèrera mollir la position de l'Iran pour qu'il renonce au président syrien. Mais en dépit de ces faits, les réalités sur le terrain prouvent un début de soulèvement turc contre les organisations d'Al-Qaïda. Ceci suffit en soi pour affaiblir les insurgés et trouver un compromis à propos d'Alep et de son rif.
Tout ce qui précède signifie que les éléments de la solution ne sont pas encore finalisés. Il signifie aussi que les efforts se poursuivent incessamment dans les coulisses. Pourtant, si la persistance de la guerre est l'éventualité la plus probable, la nécessité pour les Américains et leurs alliés d'endiguer le terrorisme ne leur laisse plus le faste de gérer la crise syrienne, pour une longue durée. Il faut donc maintenir les deux parties du conflit syrien dans le cadre de rounds successifs de négociations, même si les résultats étaient nuls ou modestes dans les premières périodes.
Article paru samedi 1er février dans le quotidien libanais Al-Akhbra, traduit par l'équipe du site