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Voici comment échouera Genève II: La pièce de théâtre des plus niaises

Voici comment échouera Genève II: La pièce de théâtre des plus niaises
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Tout a été élaboré afin d’avorter Genève II. En effet, cet échec est requis puisque les circonstances des négociations et du compromis ne sont pas encore mures; et puisque le pouvoir syrien se sent plus puissant et plus homogène que l’opposition.

Cet échec est aussi requis, parce que l’opposition n’est pas parvenue à former une équipe unie, capable de mener les négociations.

Le revers est donc le principal objectif de Genève II. A son terme, les autorités syriennes pourraient dire avoir tendu la main à l’opposition, qui a renoncé à répondre. Les autorités syriennes pourront alors poursuivre les opérations militaires.

Au terme de cette conférence, la «Coalition syrienne» pourrait, à son tour, arguer duVoici comment échouera Genève II: La pièce de théâtre des plus niaises
refus par le régime de discuter du départ du président Bachar Assad ou de la mise en place d’une autorité transitoire. Elle attribuera au régime la responsabilité du fiasco. L’opposition décide de se retirer des négociations.  La pièce du théâtre sera clôturée.

Imaginons la deuxième scène de la pièce, sachant que la première a compris  les deux discours du ministre syrien des AE, Walid Mouallem et du président de la «Coalition syrienne», Ahmad Jarba, sur une tribune de l’ONU et devant les caméras du monde.

Dans la deuxième scène, les deux délégations entrent dans la chambre des négociations. Elles s’assoient sur deux tables, autour de celle de l’émissaire international, Lakhdar Brahimi.

Ce dernier, tout comme un metteur en scène, donne lecture au discours d’ouverture, appelant les deux parties à méditer sur les endurances de leur peuple. Il les exhorte à trouver une solution qui met fin aux combats. Il les presse d’utiliser un langage diplomatique qui facilite la solution. Il tente d’évoquer des points d’entente communs. Il affirme que tous sont soucieux de sauver la Syrie. Il lève la séance. Le rideau est temporairement fermé.

Jusqu’à une heure avancée de la nuit du jeudi à vendredi dernier, les détails de la deuxième scène étaient encore confus. Les deux parties poursuivront les pourparlers dans une chambre commune ou dans deux différentes chambres séparées? Le climat est pessimiste. La délégation de l’opposition a indiqué son refus de rencontrer celle du régime dans une chambre, suite notamment à la première allocution de Walid Mouallem à Montreux. Brahimi a proposé des pourparlers dans deux chambres séparées, afin d’échanger les points de vue. Puis une réunion sera tenue sur la même table. La question sera tranchée vendredi matin.

Le ministre Mouallem a excellé dans son premier discours. Il était le point de mire des regards du monde. Que fera-t-il plus tard ? Ce diplomate syrien éminent et président de la délégation officielle ne s’adressera pas directement à la délégation de la «Coalition». Ses propos seront adressés à Brahimi, qui reprendra les mêmes phrases ou peut être avec concision. C’est en soi une mission compliquée dans les situations normales. Comment serait le cas si Mouallem était le locuteur? Il n’est plus un secret que le ministre syrien soulignera la priorité de la lutte contre le terrorisme. Il refusera catégoriquement les dires sur le transfert des prérogatives, l’autorité transitoire ou le départ d’Assad. C’est notamment ce que refuse la «Coalition».

Ce sera le tour de la délégation de l’opposition. Son porte-parole répètera que l’ultimeVoici comment échouera Genève II: La pièce de théâtre des plus niaises
priorité des négociations est le départ d’Assad et le transfert de ses prérogatives. Jarba avait évoqué ces faits lors de sa conférence de presse. Il a martelé que «le régime d’Assad ne pouvait perdurer, qu’il était devenu une image du passé, celui du noir et du blanc». Il s’est prononcé de tel, puis a quitté Genève.

Pas de couleur grise dans les négociations. C’est là où réside le nœud qui aboutira à l’échec de cette pièce théâtrale. Noir ou blanc. Chaque partie campera sur sa position.

Comment le revers se manifestera-t-il?

La délégation officielle syrienne affirme qu’elle n’entreprendra pas de se retirer des négociations. Mouallem l’avait promis à son homologue russe lors de leur entretien en marge de la conférence de Montreux. Le diplomate syrien, expert dans les négociations et dans le cerveau américain depuis qu’il a été ambassadeur de son pays à Washington, sait comment pousser ses adversaires à la colère ou au calme. Peut-être il s’emploiera cette fois à les pousser à se retirer. Il répètera infiniment qu’Assad ne partira pas et que la discussion sur ce sujet est hors de question. Que la partie adverse accepte ou qu’elle se retire.

La «Coalition» se retirera-t-elle ?

C’est probable. Le rideau pourra-être rapidement baissé sur la représentation de la pièce qui n’a duré que trois jours. Le climat rêveur de Montreux n’a guère réduit le désir des protagonistes d’éliminer les uns les autres. Le calme de Genève ne contribuera pas à briser l’intransigeance.

Certains continueront de revêtir le climat d’optimisme. Pour un responsable des Nations Unies,  le début des négociations est toujours difficile. Il affirme avoir pris part à des négociations plus compliquées, où les négociateurs venaient portant les armes. Il ajoute que les deux parties avancent au début des pourparlers leurs positions les plus radicales. C’est logique. Mais le médiateur trouve en fin de compte des points communs desquels repartent les pourparlers. La vérité cette fois-ci est ailleurs: tout a été conçu pour avorter Genève II.

Un échec est requis puisque les circonstances des négociations et des compromis ne sont pas encore murs. L’échec est requis puisque le pouvoir se sent plus puissant sur le terrain et plus consistant que l’opposition. L’échec est voulu notamment puisque l’opposition n’a guère réussi à former une équipe unie capable de mener les négociations.

Peu importe comment le rideau sera baissé sur Genève II. Le plus importe demeure le lendemain de cette pièce théâtrale. Les combats seront poursuivis en Syrie ou pavera-t-on le voie à Genève III, dans de meilleures circonstances, où toutes les parties assisteront, y  compris l’Iran.

Retournons à l’histoire de la mise de l’Iran à l’écart de Genève II.

Il s’est avéré après quelques jours que des pressions exercées sur le secrétaire général de l’ONU n’étaient pas seules derrière le retrait de l’invitation de l’Iran. Selon les informations, des pressions saoudiennes et françaises ont joué le rôle essentiel pour convaincre Ban Ki Moon de retirer l’invitation. On a indiqué qu’en cas du non retrait de cette invitation, la «Coalition syrienne» n’assistera pas à la conférence.

Toujours selon les informations, durant la réunion du conseil des ministres des AE de l’UE fut discutée profondément la question de l’invitation de l’Iran. Un certain nombre de pays européens étaient favorables à cette invitation, puisque ce pays, et suite à sonVoici comment échouera Genève II: La pièce de théâtre des plus niaises
accord nucléaire avec l’occident, serait ne mesure de jouer un rôle efficace. Certains ministres ont soulevé la question des effets de cette invitation sur la «Coalition». Le ministre français Laurent Fabius s’est empressé de dire: «Ne vous inquiétez pas. J’ai communiqué avec l’ONU et nous sommes en train de traiter la question».

Les propos de Fabius étaient clairs. Certains de ces homologues l’ont appuyé. D’autres se sont opposés. Mais en fin de compte, les Européens ont convenu que la crise avec l’Iran était limitée au dossier du nucléaire, alors que le dossier syrien était du ressort de la Russie et des États-Unis.

L’attitude de l’Europe à l’égard de la Syrie semble confuse. La France prône le départ d’Assad. Ce fait ne suscite plus l’inquiétude du régime syrien. Ce dernier indique qu’il est  en mesure de rapatrier les terroristes européens détenus. Ce n’est point une plaisanterie. Certains ont ouvert des canaux directs avec la Syrie. D’autres préfèrent recourir à l’Iran. Dans les coulisses de l’ONU, le visiteur entend une autre version du retrait de l’invitation de l’Iran. Certains disent que c’était un compromis découlant d’une entente russo-iranienne. Téhéran n’était pas enthousiaste à la participation à Genève II. Ce pays réalisait peut- être que cette conférence serait un fiasco. On rapporte que la République islamique a délibérément refusé tout engagement à Genève I, lequel évoque le transfert des prérogatives de la présidence à une autorité transitoire. L’Iran savait au préalable, que son attachement à sa position, signifie le refus de sa présence à la conférence. En fait, son absence lui permet une liberté de mouvement durant la prochaine période afin d’assister son allié syrien. Moscou n’a  exprimé sa colère que dans les déclarations publiques. La Russie pourrait même dire: Nous avons convaincu le régime de se tenir à la conférence du dialogue, alors que vous, vous avez posé des entraves. Elle pourrait aussi dire avoir mis en garde contre l’exclusion de l’Iran.

Une telle éventualité est probable. Il n’est guère logique que le monde soit à l’apogée de son entente avec l’Iran et qu’il l’empêche d’assister à Genève II. Il n’est guère logique aussi que Washington envoie des signes au président Hassan Rohani dans le but d’ouvrir une ambassade à Téhéran et puis qu’il empêche  l’Iran d’assister. Il est évident que l’absence de l’Iran et le retrait de l’invitation étaient bons pour tous, y compris les Etats-Unis qui se sont débarrassés d’un grand embarras devant ce qui reste de leurs alliés au sein de l’opposition syrienne.

L’Iran prendra part aux prochaines négociations, non à celles de l’heure actuelle. C’est ce qu’on affirme dans les coulisses des Nations Unies. Les prochaines négociations témoigneront une présence plus large de l’opposition. C’est ce qu’avaient dit les Russes au Comité de coordination syrienne, aux Kurdes et à d’autres. Moscou a conseillé aux  factions de l’opposition de ne pas monter dans le premier wagon du train des pourparlers car ce dernier ne sera pas décisif.

La délégation de la «Coalition» présente à Genève, ne représente qu’une partie minime de l’opposition. Dans cette délégation les Frères Musulmans sont assez nombreux. Comment l’Arabie appuie leur présence à Genève tout en combattant leurs frères en Egypte, par son soutien au général Abdul Fattah Sissi?

Washington est conscient de ce point faible. Certains de ses émissaires à Genève font état de son désappointement  de l’opposition. Un responsable de l’opposition à Genève répond que les États-Unis et l’occident sont notamment responsables de ce désappointement pour ne pas l’avoir soutenu suffisamment par les armes et les fonds afin de renverser le régime syrien.

Pourquoi Moscou a-t-il accepté de limiter la présence à Genève II à la délégation de la «Coalition», déjà divisée? pourquoi a-t-il admis l’exclusion de ses alliés principaux au sein de l’opposition?

Les questions s’amoncellent à Genève. La réponse est quasi unique. Quelque chose est en train d’être mijoté entre Moscou et Washington pour la prochaine période. Il est vrai que Serguei Lavrov s’était plaint ces derniers jours de l’atermoiement des Américains et des ruses de l’ambassadeur Robert Ford. Il est vrai que le ministre russe avait chuchoté à plusieurs reprises en observant, aux côtés de la délégation officielle syrienne, l’ambassadeur Ford qui introduisait les membres de la «Coalition» à la conférence de Montreux leur en désignant leurs sièges comme un enseignant d’école. Mais il est aussi vrai que l’objectif fondamental des négociations russo-américaines est la lutte contre le terrorisme, à l’heure actuelle. Un objectif similaire à celui des Européens.

Lors de leur dernière réunion, les ministres ont affirmé que l’UE partageait avec tous l’inquiétude croissante face à l’extension de l’extrémisme et des groupes extrémistes, tel «l’EIIL» (Daech) et «Al-Nosra». Selon eux, la participation de ces derniers au conflit constitue une menace pour le processus de la paix et pour l’unité du territoire syrien.

L’UE n’appelle pas à l’imposition d’un compromis sur le régime, en dépit des critiques acerbes adressées à Damas. L’UE souligne plutôt «l’entente commune» visant à former un gouvernement transitoire qui jouirait des prérogatives exécutives.

La communauté internationale, comme le montrent les propos des Russes et des Américains, est favorable à la prise de mesures immédiates pour cesser les combats, acheminer les aides humanitaires et rapatrier les réfugiés. Les divergences résident toutefois autour des priorités. Les adversaires du régime syrien proposent le transfert des prérogatives du président au gouvernement transitoire, comme étant la priorité, ou bien, la simultanéité entre le processus politique et les mesures d’ordre humanitaire. Le régime et ses alliés refusent. Ils affirment que toute question constitutionnelle, présidentielle ou électorale est décidée par les Syriens eux-mêmes.

De ce fait, Genève II est placé devant deux uniques éventualités. La «Coalition» donne son accord sur le lancement des mesures immédiates avant de discuter de l’avenir du président, ou bien le rideau sera baissé sur la comédie la plus niaise de l’histoire moderne.

Il parait malheureusement que l’échec sera retentissant, quels que seraient les efforts de Lakhdar Brahim pour l’enjoliver. Le régime syrien considère toujours que la situation militaire sur le terrain est déterminante. La «Coalition» et ses milices espèrent que l’échec convainc d’acheminer d’avantage d’armes…que les combats se poursuivent en attendant Genève III, et ce, s’il resterait de la Syrie quelque chose sur quoi négocier.

Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site

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