Genève 2 réussira-t-il avec le maintien d’Assad au pouvoir?
Les Russes et les Américains se sont mis d'accord sur plusieurs points: l'armée syrienne doit rester une force capable d'affronter le terrorisme, la communauté alaouite occupera la présidence, la priorité est à la lutte contre le terrorisme et pas de place privilégiée aux Frères Musulmans.
Un diplomate arabe rapporte les propos du secrétaire d'Etat américain John Kerry, qui répète depuis deux ans que «les Frères Musulmans sont une catastrophe. Ils engendreront des terroristes à leurs côtés». Pendant ce temps, la conseillère à la sécurité nationale américaine Suzan Rice les défendait. Il n'est point surprenant que Kerry les accuse de ravir la révolution en Egypte. Comment les admettra-t-il ainsi en Syrie?
C'est cette position qui aurait poussé l'ex-contrôleur général de la confrérie en Syrie, Ali Sadreddine Bayanouni, à évoquer des divergences avec les Frères musulmans de l'Egypte, comme avait fait le parti «Islah» au Yémen.
Lorsque les Russes et les Américains ont établi l'accord de Genève, en été dernier, Moscou, Damas et Téhéran étaient dans un état brumeux. Plusieurs articles ont été convenus, dont notamment une allusion à un gouvernement transitoire qui jouit des prérogatives exécutives.
A l'heure actuelle, la donne a changé. Le monde a renoncé à la logique de l'intimidation, et favorisé celle des compromis. Les Frères Musulmans ont été battus. Le Qatar est sorti de l'avant-scène du conflit, et a été remplacé par l'Arabie. L'Egypte a prôné, de nouveau, son slogan sur la sécurité nationale stratégique qui suppose le maintien d'une Syrie unifiée, dotée d'une armée forte. Les Russes et les Américains se sont rapprochés. Le plus important demeure l'accord irano-occidental.
Sur le plan militaire, la nature de la bataille a changé. L'intervention du Hezbollah sur le front syrien a modifié les résultats des combats. Les tactiques ont évolué. L'avancée de l'armée sur le terrain s'accélère. Les pertes diminuent. La corruption parmi certains officiers a régressé. Les chambres d'opérations entre les services de sécurité syriens ont été unifiés, et ce en coopération avec le commandement militaire du Hezbollah.
De nouvelles armes sophistiquées ont été fournies par la Russie. On rapporte que la Corée du Nord aurait joué un rôle dans ce contexte, notamment dans le domaine de l'aviation. En plus, l'armée syrienne a appris les techniques de la guérilla. Elle a repris des villes et des villages qui ne figuraient pas dans ses plans militaires. Tous ces facteurs ont remonté le moral de l'armée et changé la nature de la bataille qui se poursuit toutefois. La férocité des combattants, notamment des groupes takfiris, s'intensifie, aux dépens de l'Armée syrienne libre et d'autres factions rebelles.
Le négociateur syrien, soutenu par ses alliés russes et iraniens, est en mesure d'avancer sa propre interprétation de la question des «pouvoirs exécutifs complets». Il refuse fermement d'abandonner les prérogatives sécuritaires ou encore le rôle central du président. A contrario, l'opposition et ses alliés veulent un congrès similaire à Genève 1 dans tous ses détails.
Qu'est ce qui changera suite à l'accord irano-occidental?
Les négociations de Genève 2 débuteront sous le titre de la gestion de la crise afin de la contenir et de cesser la guerre. Les négociations nécessiteront beaucoup de temps. Le mandat du président Assad sera prorogé automatiquement à cause de la difficulté de tenir des élections avant l'élimination du terrorisme. Les parties réunies se mettront d'accord sur un gouvernement élargi regroupant les représentants du pouvoir, de l'opposition, des commissions militaires de l'armée loyaliste et de l'ASL et des représentants des factions rebelles, sauf d'Al-Qaïda.
Si un accord a lieu, la Constitution sera amandée. De nouvelles élections seront organisées. Certains disent que les parties du conflit pourraient s'entendre sur une solution similaire à celle du Yémen. En d'autres termes, les réformes se feront de l'intérieur du régime. L'armée demeurera forte. Les institutions étatiques seront préservées. Le parti Baas fera toujours partie de la prochaine structure politique.
Les adjoints d'Assad affirment que les Russes et les Iraniens sont intransigeants dans leur soutien à sa candidature à la présidence. L'Ayatollah Sayed Ali Khamenei a maintes fois affiché son appui en ce sens. Les Russes ont exprimé un appui similaire devant la délégation syrienne qui a dernièrement visité Moscou. Al-Assad affirme quant à lui que son administration «ne donnera pas en politique ce que les ennemis ont échoué de prendre par la guerre».
D'aucuns tenteront d'intimider les Russes et les Iraniens, en prétendant que l'occident n'admettra pas le maintien d'Assad à la présidence. Mais la réponse est prête : «L'occident et certains pays arabes ont aussi voulu renverser le régime et ont échoué. Ils ont prôné la guerre et ont fait marche arrière. Ils ont refusé les négociations en présence d'Assad et les voilà qu'ils s'apprêtent à le négocier. Demain, les données pourront changer. Assad pourrait devenir le fer de lance dans la lutte contre le terrorisme».
Sur ce, il faut modifier Genève 1 et il le sera. Lakhdar Brahimi a pavé la voie à cette modification par ses propos : «Six mois se sont écoulés à Genève 1. Il faut y introduire certaines modifications». Brahimi évoquait surtout les questions sécuritaires qui resteront aux mains du président. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, avait indiqué à Brahimi avant que ce dernier ne rencontre le président, que toute condition imposée sur les prérogatives du président provoquera la fin des entretiens, avant même leur tenue.
Les Syriens affirment que l'accord entre l'Iran et l'occident a renforcé le pouvoir d'Assad. Ils martèlent que cette entente a exacerbé les combats dans la Ghouta de l'est et a poussé l'ASL et la Coalition de l'opposition à afficher leur refus de participer à Genève 2. Mais en fin de compte, ils y prendront tous part...Telle est la décision russo-américaine. Mais le pire réside dans l'attitude de tous ceux qui participeront à Genève 2. Ils sont tous sceptiques quant à sa tenue mais ils feront tout pour améliorer leur situation en recourant encore plus à l'effusion du sang des Syriens.
Enfin, la plus importante interrogation est de savoir si Sayed Ali Khamenei demeure attaché à Assad plus que son attachement au nucléaire? La réponse serait positive. Lorsque tous ont ressenti la possibilité de la chute du régime et que l'imam Khamenei a entendu des critiques adressées à Assad, même de la part de certains responsables iraniens, il lui a adressé un message d'appui ouvert. Comment brisera-t-il cette alliance au moment où il sent qu'il récolte, avec Assad, le fruit de leur bataille commune?
Article paru le 27 novembre dans le quotidien Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site
C'est cette position qui aurait poussé l'ex-contrôleur général de la confrérie en Syrie, Ali Sadreddine Bayanouni, à évoquer des divergences avec les Frères musulmans de l'Egypte, comme avait fait le parti «Islah» au Yémen.
Lorsque les Russes et les Américains ont établi l'accord de Genève, en été dernier, Moscou, Damas et Téhéran étaient dans un état brumeux. Plusieurs articles ont été convenus, dont notamment une allusion à un gouvernement transitoire qui jouit des prérogatives exécutives.
A l'heure actuelle, la donne a changé. Le monde a renoncé à la logique de l'intimidation, et favorisé celle des compromis. Les Frères Musulmans ont été battus. Le Qatar est sorti de l'avant-scène du conflit, et a été remplacé par l'Arabie. L'Egypte a prôné, de nouveau, son slogan sur la sécurité nationale stratégique qui suppose le maintien d'une Syrie unifiée, dotée d'une armée forte. Les Russes et les Américains se sont rapprochés. Le plus important demeure l'accord irano-occidental.
Sur le plan militaire, la nature de la bataille a changé. L'intervention du Hezbollah sur le front syrien a modifié les résultats des combats. Les tactiques ont évolué. L'avancée de l'armée sur le terrain s'accélère. Les pertes diminuent. La corruption parmi certains officiers a régressé. Les chambres d'opérations entre les services de sécurité syriens ont été unifiés, et ce en coopération avec le commandement militaire du Hezbollah.
De nouvelles armes sophistiquées ont été fournies par la Russie. On rapporte que la Corée du Nord aurait joué un rôle dans ce contexte, notamment dans le domaine de l'aviation. En plus, l'armée syrienne a appris les techniques de la guérilla. Elle a repris des villes et des villages qui ne figuraient pas dans ses plans militaires. Tous ces facteurs ont remonté le moral de l'armée et changé la nature de la bataille qui se poursuit toutefois. La férocité des combattants, notamment des groupes takfiris, s'intensifie, aux dépens de l'Armée syrienne libre et d'autres factions rebelles.
Le négociateur syrien, soutenu par ses alliés russes et iraniens, est en mesure d'avancer sa propre interprétation de la question des «pouvoirs exécutifs complets». Il refuse fermement d'abandonner les prérogatives sécuritaires ou encore le rôle central du président. A contrario, l'opposition et ses alliés veulent un congrès similaire à Genève 1 dans tous ses détails.
Qu'est ce qui changera suite à l'accord irano-occidental?
Les négociations de Genève 2 débuteront sous le titre de la gestion de la crise afin de la contenir et de cesser la guerre. Les négociations nécessiteront beaucoup de temps. Le mandat du président Assad sera prorogé automatiquement à cause de la difficulté de tenir des élections avant l'élimination du terrorisme. Les parties réunies se mettront d'accord sur un gouvernement élargi regroupant les représentants du pouvoir, de l'opposition, des commissions militaires de l'armée loyaliste et de l'ASL et des représentants des factions rebelles, sauf d'Al-Qaïda.
Si un accord a lieu, la Constitution sera amandée. De nouvelles élections seront organisées. Certains disent que les parties du conflit pourraient s'entendre sur une solution similaire à celle du Yémen. En d'autres termes, les réformes se feront de l'intérieur du régime. L'armée demeurera forte. Les institutions étatiques seront préservées. Le parti Baas fera toujours partie de la prochaine structure politique.
Les adjoints d'Assad affirment que les Russes et les Iraniens sont intransigeants dans leur soutien à sa candidature à la présidence. L'Ayatollah Sayed Ali Khamenei a maintes fois affiché son appui en ce sens. Les Russes ont exprimé un appui similaire devant la délégation syrienne qui a dernièrement visité Moscou. Al-Assad affirme quant à lui que son administration «ne donnera pas en politique ce que les ennemis ont échoué de prendre par la guerre».
D'aucuns tenteront d'intimider les Russes et les Iraniens, en prétendant que l'occident n'admettra pas le maintien d'Assad à la présidence. Mais la réponse est prête : «L'occident et certains pays arabes ont aussi voulu renverser le régime et ont échoué. Ils ont prôné la guerre et ont fait marche arrière. Ils ont refusé les négociations en présence d'Assad et les voilà qu'ils s'apprêtent à le négocier. Demain, les données pourront changer. Assad pourrait devenir le fer de lance dans la lutte contre le terrorisme».
Sur ce, il faut modifier Genève 1 et il le sera. Lakhdar Brahimi a pavé la voie à cette modification par ses propos : «Six mois se sont écoulés à Genève 1. Il faut y introduire certaines modifications». Brahimi évoquait surtout les questions sécuritaires qui resteront aux mains du président. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, avait indiqué à Brahimi avant que ce dernier ne rencontre le président, que toute condition imposée sur les prérogatives du président provoquera la fin des entretiens, avant même leur tenue.
Les Syriens affirment que l'accord entre l'Iran et l'occident a renforcé le pouvoir d'Assad. Ils martèlent que cette entente a exacerbé les combats dans la Ghouta de l'est et a poussé l'ASL et la Coalition de l'opposition à afficher leur refus de participer à Genève 2. Mais en fin de compte, ils y prendront tous part...Telle est la décision russo-américaine. Mais le pire réside dans l'attitude de tous ceux qui participeront à Genève 2. Ils sont tous sceptiques quant à sa tenue mais ils feront tout pour améliorer leur situation en recourant encore plus à l'effusion du sang des Syriens.
Enfin, la plus importante interrogation est de savoir si Sayed Ali Khamenei demeure attaché à Assad plus que son attachement au nucléaire? La réponse serait positive. Lorsque tous ont ressenti la possibilité de la chute du régime et que l'imam Khamenei a entendu des critiques adressées à Assad, même de la part de certains responsables iraniens, il lui a adressé un message d'appui ouvert. Comment brisera-t-il cette alliance au moment où il sent qu'il récolte, avec Assad, le fruit de leur bataille commune?
Article paru le 27 novembre dans le quotidien Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site