Les services de renseignements français tentent de sauver Hollande
Par Mohammad Ballout
Les services de renseignements français ont établi un rapport de neuf pages sur l'attaque aux armes chimiques à Ghouta, dans le but de sauver «le soldat» François Hollande de l'impasse, pour avoir exprimé un enthousiasme plus avancé que les Américains pour la guerre contre la Syrie.
Les documents des SR français ont été publiés avant la date prévue. Certains de ces documents ont été publiés sur les sites de la présidence, du gouvernement et du ministère des Affaires étrangères, afin de mettre ces informations à la disposition du grand public.
Le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a exposé ces documents devant les chefs des groupes parlementaires et des partis, avant même qu'ils ne soient publiés.
Ayrault a annoncé lundi soir une position que le président, lui-même, n'oserait pas déclarer. «Nous n'irons pas seuls en Syrie. L'utilisation des armes chimiques est un fait que nul ne peut nier. Il est nécessaire de punir (le président Bachar) Assad, mais nous n'agirons pas seuls en Syrie», a-t-il indiqué.
Les documents des SR devaient condamner le régime syrien pour avoir gazé la Ghouta le 21 août, afin que le président français recouvre en premier lieu un peu de sa crédibilité, en se fondant sur des preuves irréfutables dans son accusation au régime syrien de perpétrer «un massacre par les armes chimiques».
Jean Marc Ayrault a reçu successivement les leaders de la Droite et de la Gauche au sein du Parlement. Il a évoqué devant eux des passages des rapports des SR, d'autres textes comprenant des hypothèses ou des informations tirées de la presse, ainsi qu'un exposé détaillé sur les arsenaux chimiques syriens.
Les SR français évoquent dans le rapport ce qui est déjà connu par la presse spécialisée : «Les stocks des armes chimiques syriennes sont estimés à mille tonnes et comprennent des gaz toxiques et neurotoxiques».
«A la suite d'une certaine période de formation chez les Russes, les experts syriens auraient développé leur propre programme. Ils ont obtenu des missiles « Scud C», «Scud B» et «SS21».
«Damas avait refusé de signer le traité d'interdiction des armes chimiques en 1995».
Mais le traité que Damas avait refusé de signer, a été proposé par l'Agence internationale de l'Energie, dans le cadre d'un large projet visant à déclarer le Moyen orient comme une région libre des armes de destruction massive. Une initiative refusée alors par «Israël» et les États-Unis.
Le rapport français répète des informations publiées sur les sites de l'opposition syrienne et des rapports des renseignements américains et turcs sur «le développement, par le régime, d'agents chimiques allégés, réservés à l'utilisation tactique», dans les batailles des villes. Le rapport précise que l'unité « 450» de l'armée, supervise les stocks d'armes chimiques et que le président Bachar Assad et certains de ses adjoints, détiennent exclusivement la décision de l'utilisation de ces armes. Selon le rapport, «le président syrien peut donner l'ordre à l'état-major pour que l'unité 450 exécute l'attaque».
Cependant, les SR français font circuler des hypothèses et des déductions concernant la structure du commandement syrien.
Le rapport des SR français diffère de celui de la CIA, en l'absence des allégations concernant l'espionnage des contacts téléphoniques et des preuves relatives à l'utilisation par l'armée syrienne d'agents chimiques à Ein-Terma, JObar, Erbine, Kfar Batna, Mouazzamia et à Zamalka.
Les responsables français ont recensé 281 victimes apparus dans 47 films. Ils conviennent toutefois l'opinion américaine selon laquelle il y aurait environ 1500 victimes.
Selon le rapport français, l'armée syrienne aurait commencé le pilonnage de la région de Ghouta entre 3h et 4h de l'aube, avant de lancer une offensive terrestre contre la même région pilonnée par les armes chimiques avant deux heures, au moment où les civils affluaient par dizaines aux hôpitaux.
Pourquoi l'usage des armes chimiques?
Le rapport français ignore la réalité selon laquelle les forces sont équilibrées sur le terrain dans la Ghouta de Damas. Il ignore même les anciennes informations que possédaient les SR français sur l'avancée de l'armée syrienne dans cette région. Le rapport déduit que le régime a utilisé les armes chimiques par crainte d'une attaque de l'opposition contre Damas et que le pilonnage terrestre et aérien toujours en cours sur la Ghouta avait pour but de détruire les preuves condamnant le régime. Alors que selon le rapport, l'opposition n'est pas en mesure de faire usage des armes chimiques, puis qu'elle ne possède pas de telles armes, ni les expertises nécessaires pour cette utilisation.
L'opération de «sauvetage politique» effectuée lundi soir par le premier ministre français était nécessaire à la suite de la mise à découvert de la présidence devant l'opinion publique française, dont 64% refusent toute participation de la France dans une guerre contre la Syrie, contrairement à l'enthousiasme présidentiel à l'offensive sans se concerter avec le gouvernement ou le Parlement. Dans le même moment, le président américain Barak Obama accentuait l'isolement intérieur de son allié français, en reléguant la décision de mener la guerre contre la Syrie au Congrès.
Le panorama présidentiel était en pleine confusion. Au moment où les Américains réexaminaient l'agenda de la Guerre, François Hollande promettait le déclenchement de cette même guerre contre la Syrie, avant le mercredi.
Cette position a suscité des interrogations sur la coordination entre l'allié américain et l'Elysée autour de l'agenda de l'offensive. Le président français n'a même pas modifié sa position, malgré les indices sur des changements dans l'agenda occidental et les fissures dans la coalition contre Damas, à la suite notamment de la chute de la proposition faite par le premier ministre britannique auprès du Parlement.
Sa promesse de débattre la question de la guerre dans le Parlement français, au lendemain de l'offensive, était vaine, puisque les missiles américains lui épargneront le devoir de comparaitre devant le Parlement.
Mais les missiles Cruise ne furent pas au rendez-vous.
Le président français n'a pas commis une erreur constitutionnelle. Il agissait selon l'esprit de la cinquième République, où la décision présidentielle prime sur toute autre, en ce qui concerne notamment la Défense et les AE. Il a toutefois commis une grande erreur politique en ignorant l'opinion publique hostile à toute guerre en Syrie et l'impossibilité de former une coalition européenne pour mener cette guerre, à la suite des défaites en Irak et en Afghanistan et en ayant confiance en le président américain hésitant.
Le premier ministre français et le rapport des SR français ont-ils convaincu les représentants du peuple français de la nécessité de mener la guerre, sans aucun vote, afin de prévenir la chute de la proposition et par la suite accentuer l'isolement du président?
Christian Jacob, leader de l'opposition parlementaire et président du groupe parlementaire de l'UMP, n'a pas été convaincu par le rapport. Il a souligné que toute intervention en Syrie ne doit pas avoir lieu en l'absence d'un mandat international ».
Jean Louis Borloo, chef du parti du Centre, n'a pas été convaincu. «Les arguments étaient raisonnables et bien bâtis. Mais en l'absence des preuves, nous éprouvons le besoin de discuter de la question au Parlement».
C'est un petit exemple des réactions.
Les parlementaires français peuvent dire ce que bon leur semble. Mais il n'y aura pas de vote de la décision du président français. Ce dernier attend en effet le seul vote décisif en fin de compte : Celui du Congrès américain.
Article paru mardi 3 septembre dans le quotidien libanais Assafir, traduit par l'équipe du site
Les services de renseignements français ont établi un rapport de neuf pages sur l'attaque aux armes chimiques à Ghouta, dans le but de sauver «le soldat» François Hollande de l'impasse, pour avoir exprimé un enthousiasme plus avancé que les Américains pour la guerre contre la Syrie.
Les documents des SR français ont été publiés avant la date prévue. Certains de ces documents ont été publiés sur les sites de la présidence, du gouvernement et du ministère des Affaires étrangères, afin de mettre ces informations à la disposition du grand public.
Le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a exposé ces documents devant les chefs des groupes parlementaires et des partis, avant même qu'ils ne soient publiés.
Ayrault a annoncé lundi soir une position que le président, lui-même, n'oserait pas déclarer. «Nous n'irons pas seuls en Syrie. L'utilisation des armes chimiques est un fait que nul ne peut nier. Il est nécessaire de punir (le président Bachar) Assad, mais nous n'agirons pas seuls en Syrie», a-t-il indiqué.
Les documents des SR devaient condamner le régime syrien pour avoir gazé la Ghouta le 21 août, afin que le président français recouvre en premier lieu un peu de sa crédibilité, en se fondant sur des preuves irréfutables dans son accusation au régime syrien de perpétrer «un massacre par les armes chimiques».
Jean Marc Ayrault a reçu successivement les leaders de la Droite et de la Gauche au sein du Parlement. Il a évoqué devant eux des passages des rapports des SR, d'autres textes comprenant des hypothèses ou des informations tirées de la presse, ainsi qu'un exposé détaillé sur les arsenaux chimiques syriens.
Les SR français évoquent dans le rapport ce qui est déjà connu par la presse spécialisée : «Les stocks des armes chimiques syriennes sont estimés à mille tonnes et comprennent des gaz toxiques et neurotoxiques».
«A la suite d'une certaine période de formation chez les Russes, les experts syriens auraient développé leur propre programme. Ils ont obtenu des missiles « Scud C», «Scud B» et «SS21».
«Damas avait refusé de signer le traité d'interdiction des armes chimiques en 1995».
Mais le traité que Damas avait refusé de signer, a été proposé par l'Agence internationale de l'Energie, dans le cadre d'un large projet visant à déclarer le Moyen orient comme une région libre des armes de destruction massive. Une initiative refusée alors par «Israël» et les États-Unis.
Le rapport français répète des informations publiées sur les sites de l'opposition syrienne et des rapports des renseignements américains et turcs sur «le développement, par le régime, d'agents chimiques allégés, réservés à l'utilisation tactique», dans les batailles des villes. Le rapport précise que l'unité « 450» de l'armée, supervise les stocks d'armes chimiques et que le président Bachar Assad et certains de ses adjoints, détiennent exclusivement la décision de l'utilisation de ces armes. Selon le rapport, «le président syrien peut donner l'ordre à l'état-major pour que l'unité 450 exécute l'attaque».
Cependant, les SR français font circuler des hypothèses et des déductions concernant la structure du commandement syrien.
Le rapport des SR français diffère de celui de la CIA, en l'absence des allégations concernant l'espionnage des contacts téléphoniques et des preuves relatives à l'utilisation par l'armée syrienne d'agents chimiques à Ein-Terma, JObar, Erbine, Kfar Batna, Mouazzamia et à Zamalka.
Les responsables français ont recensé 281 victimes apparus dans 47 films. Ils conviennent toutefois l'opinion américaine selon laquelle il y aurait environ 1500 victimes.
Selon le rapport français, l'armée syrienne aurait commencé le pilonnage de la région de Ghouta entre 3h et 4h de l'aube, avant de lancer une offensive terrestre contre la même région pilonnée par les armes chimiques avant deux heures, au moment où les civils affluaient par dizaines aux hôpitaux.
Pourquoi l'usage des armes chimiques?
Le rapport français ignore la réalité selon laquelle les forces sont équilibrées sur le terrain dans la Ghouta de Damas. Il ignore même les anciennes informations que possédaient les SR français sur l'avancée de l'armée syrienne dans cette région. Le rapport déduit que le régime a utilisé les armes chimiques par crainte d'une attaque de l'opposition contre Damas et que le pilonnage terrestre et aérien toujours en cours sur la Ghouta avait pour but de détruire les preuves condamnant le régime. Alors que selon le rapport, l'opposition n'est pas en mesure de faire usage des armes chimiques, puis qu'elle ne possède pas de telles armes, ni les expertises nécessaires pour cette utilisation.
L'opération de «sauvetage politique» effectuée lundi soir par le premier ministre français était nécessaire à la suite de la mise à découvert de la présidence devant l'opinion publique française, dont 64% refusent toute participation de la France dans une guerre contre la Syrie, contrairement à l'enthousiasme présidentiel à l'offensive sans se concerter avec le gouvernement ou le Parlement. Dans le même moment, le président américain Barak Obama accentuait l'isolement intérieur de son allié français, en reléguant la décision de mener la guerre contre la Syrie au Congrès.
Le panorama présidentiel était en pleine confusion. Au moment où les Américains réexaminaient l'agenda de la Guerre, François Hollande promettait le déclenchement de cette même guerre contre la Syrie, avant le mercredi.
Cette position a suscité des interrogations sur la coordination entre l'allié américain et l'Elysée autour de l'agenda de l'offensive. Le président français n'a même pas modifié sa position, malgré les indices sur des changements dans l'agenda occidental et les fissures dans la coalition contre Damas, à la suite notamment de la chute de la proposition faite par le premier ministre britannique auprès du Parlement.
Sa promesse de débattre la question de la guerre dans le Parlement français, au lendemain de l'offensive, était vaine, puisque les missiles américains lui épargneront le devoir de comparaitre devant le Parlement.
Mais les missiles Cruise ne furent pas au rendez-vous.
Le président français n'a pas commis une erreur constitutionnelle. Il agissait selon l'esprit de la cinquième République, où la décision présidentielle prime sur toute autre, en ce qui concerne notamment la Défense et les AE. Il a toutefois commis une grande erreur politique en ignorant l'opinion publique hostile à toute guerre en Syrie et l'impossibilité de former une coalition européenne pour mener cette guerre, à la suite des défaites en Irak et en Afghanistan et en ayant confiance en le président américain hésitant.
Le premier ministre français et le rapport des SR français ont-ils convaincu les représentants du peuple français de la nécessité de mener la guerre, sans aucun vote, afin de prévenir la chute de la proposition et par la suite accentuer l'isolement du président?
Christian Jacob, leader de l'opposition parlementaire et président du groupe parlementaire de l'UMP, n'a pas été convaincu par le rapport. Il a souligné que toute intervention en Syrie ne doit pas avoir lieu en l'absence d'un mandat international ».
Jean Louis Borloo, chef du parti du Centre, n'a pas été convaincu. «Les arguments étaient raisonnables et bien bâtis. Mais en l'absence des preuves, nous éprouvons le besoin de discuter de la question au Parlement».
C'est un petit exemple des réactions.
Les parlementaires français peuvent dire ce que bon leur semble. Mais il n'y aura pas de vote de la décision du président français. Ce dernier attend en effet le seul vote décisif en fin de compte : Celui du Congrès américain.
Article paru mardi 3 septembre dans le quotidien libanais Assafir, traduit par l'équipe du site