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La fuite en avant de Mohammed Morsi

La fuite en avant de Mohammed Morsi
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Par Soraya Hélou

Quelle mouche a soudain piqué le président de l'Egypte Mohammed Morsi ? Le conflit en Syrie plus de deux ans et c'est maintenant qu'il décide, dans un discours tonitruant, de fermer l'ambassade de Syrie dans son pays et de rompre toutes ses relations avec le régime syrien. La décision a fait l'effet d'une bombe tant elle était inattendue et elle a surtout provoqué un tollé au sein même de l'Egypte, puisque les partis politiques de l'opposition, ainsi que de nombreux ulémas, ont déclaré qu'ils attendaient de Mosri qu'il ferme l'ambassade israélienne au Caire plutôt que celle de Syrie. En effet, alors que les Frères musulmans se sont longtemps opposés à la politique du précédentLa fuite en avant de Mohammed Morsi
régime égyptien, critiquant même son ouverture en direction de l'entité sioniste, les Egyptiens attendaient d'eux, une fois au pouvoir, des décisions plus en phase avec les causes arabes et en particulier, la cause palestinienne. Or, le point de passage avec Gaza n'est pas totalement ouvert, l'ambassade israélienne est toujours en place et c'est contre le régime syrien, qui est l'un des rares à être encore ouvertement hostile à «Israël» que Morsi a dirigé ses critiques et ses mesures drastiques.

De nombreux observateurs font le lien entre cette position surprenante et la soudaine décision américaine de fournir à l'opposition syrienne «des armes fatales». C'est comme si soudain, le mot d'ordre américain est arrivé et le président égyptien a dû s'exécuter. Tout cela intervient après la victoire des forces du régime à Qousseir et le sentiment d'échec au sein de l'opposition syrienne, qui semble de plus en plus désorganisée et démotivée, en dépit des efforts arabes et occidentaux pour l'unifier et la renforcer. Alors que des rumeurs insistantes circulent sur l'imminence de la bataille d'Alep, dans le cadre d'une offensive lancée par l'armée syrienne, les alliés et parrains de l'opposition, Etats-Unis en tête, ont voulu prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher une nouvelle victoire du régime sur le terrain. La décision de Morsi est donc venue à point nommé et elle consiste à donner un nouvel élan à l'opposition, de la part d'un pays arabe important, l'Egypte. Mais étrangement, l'armée égyptienne, qui depuis la prise en mains des pouvoirs par Mohammed Morsi se tient relativement à l'écart, n'a pas voulu se laisser entraîner dans ce sillage. Dans un communiqué d'une rare clarté et d'une grande fermeté, elle a déclaré qu'elle n'a pas l'intention de combattre l'armée nationale d'un pays frère, laissant ainsi le président Mohammed Morsi se débattre tout seul dans ses contradictions. Cette dualité entre l'armée et le président a d'ailleurs fait l'objet de nombreux commentaires dans les médias égyptiens et arabes, pour la plupart choqués par la décision présidentielle de couper tous les ponts avec le régime syrien.

Certains commentateurs voient déjà dans le communiqué de l'armée égyptienne une volonté claire de ne pas se laisser faire et d'avoir un mot à dire sur les affaires importantes de l'Etat, alors que depuis son avènement, Mohammed Morsi n'a cessé de chercher à la marginaliser et à lui retirer ses prérogatives. On sait pourtant que malgré la prise du pouvoir par les Frères musulmans, l'armée égyptienne reste influente sur la scène interne. Avec l'augmentation des protestations contre la politique de Morsi et ses décisions, et avec la multiplication des incidents et des dérapages, sans parler des manifestations populaires régulières contre le président, l'armée a sans doute jugé le moment opportun pour refaire sa réapparition et fixé des gardes fous, tout enLa fuite en avant de Mohammed Morsi
rappelant à ceux qui ont eu tendance à l'oublier qu'elle reste un acteur décisif en Egypte.

La décision du président égyptien de rompre les liens avec le régime syrien montre donc avant tout sa confusion et l'incohérence de sa politique qui se débat entre tantôt une tentative d'ouverture en direction de l'Iran et tantôt les exigences des pays du Golfe dont il dépend en grande partie sur le plan financier et économique, sans parler de ses liens douteux avec les Etats-Unis et le maintien de ses relations avec l'entité sioniste, ainsi que son incapacité à gérer le dossier palestinien qui était pourtant traditionnellement sa chasse gardée. De plus, l'Egypte doit désormais faire face à un nouveau problème avec le barrage que compte construire l'Ethiopie sur le Nil et son incapacité à empêcher l'exécution d'une telle décision. Sa décision spectaculaire ressemble donc à une fuite en avant et à une manière de se gagner les faveurs de l'occident et des pays du Golfe pour alléger les pressions de l'opposition. La manœuvre est claire et elle ne sera probablement pas couronnée de succès, parce qu'en rompant ses relations avec le régime syrien, dans un tel contexte, le président égyptien découvrira qu'il a plus à perdre qu'à gagner...


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