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Entre Saïda et cheikh al-Assir ...

Entre Saïda et cheikh al-Assir ...
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La discorde interne était attendue à Tripoli, c’est finalement à Saïda que le Liban en a eu un avant-goût. Une fois de plus, cheikh Ahmad al-Assir a créé l’événement, revenant à la une des médias comme l’homme qui met le Hezbollah au pied du mur et qui pose ses conditions. C’est ainsi, en tout cas, que le cheikh « rebelle » souhaite se présenter à l’opinion publique. C’est ainsi lui qui décide dans quels quartiers de Saïda et de ses environs le Hezbollah peut installer ses affiches et comment il doit célébrer « sa journée du martyr ». Plus même, cheikh al-Assir a décidé d’enterrer ses partisans tués au cours des incidents de dimanche dans un lieu public près de la mosquée Hariri à Saïda, sans même demander une permission des autorités. Sondée par les partisans du courant du Futur, Mme Bahia Hariri avait d’ailleurs demandé à la municipalité de la ville de réagir mais celle-ci n’a pas bronché, jugeant le moment inopportun pour cela. Et si au cours des obsèques des deux hommes cheikh al-Assir a appelé au calme, ses partisans annoncent qu’il compte créer son propre mouvement de résistance, à la fois contre Israël et contre l’Iran et ses alliés libanais, estimant que l’État qui autorise la résistance du Hezbollah ne peut que « bénir » la sienne. Il deviendra ainsi réellement le chef de file de l’opposition au Hezbollah, cherchant à le battre sur son propre terrain, tout en menant un mouvement sunnite de protestation qui se veut plus efficace que ne l’ont été jusqu’à présent le courant du Futur et ses alliés.

Parmi les proches de cheikh al-Assir, certains annoncent pour bientôt une déclaration tonitruante qui lui permettra de reprendre le flambeau de la lutte, à travers l’adoption de nouvelles mesures dont l’organisation éventuelle d’un nouveau sit-in et la fermeture de l’une des routes menant vers le Sud. Ce qui ne peut que déranger les mouvements du Hezbollah et de ses sympathisants.

Ses partisans affirment encore que cheikh al-Assir ne se comporte pas de façon impulsive, mais il aurait établi un plan bien étudié qui devrait lui permettre d’agir efficacement contre ceux qu’il considère comme « les ennemis des sunnites ». Il disposerait ainsi désormais de 200 à 300 éléments, armés et bien entraînés, sans parler du soutien populaire dont il croit bénéficier. Selon ses proches, dans son évaluation des incidents de dimanche, cheikh al-Assir estimerait ainsi avoir marqué des points en réussissant à entraîner le Hezbollah dans une confrontation même réduite, et en fixant des limites à son action. Il a aussi imposé sa décision sur le lieu de l’inhumation des deux victimes et il a bravé les décisions de l’État libanais – dont le ministre de l’Intérieur avait déclaré la veille que toute apparence armée serait désormais interdite – en s’exhibant aux obsèques entouré de gardes du corps armés jusqu’aux dents. Enfin, il a poussé le secrétaire général du Hezbollah à lui répondre même indirectement, dans son dernier discours, lorsqu’il a réaffirmé que Saïda restera le fief de la résistance.

Toutefois, cette approche devrait être nuancée. D’abord à Saïda même, puisqu’une grande partie des habitants a été dérangée par l’action de cheikh al-Assir et de ses hommes. Les films amateurs diffusés par les chaînes de télévision sur les incidents de dimanche ont d’ailleurs montré aux téléspectateurs des voitures qui arrivent en trombe et déversent des hommes en armes qui se mettent à tirer et à essuyer des tirs. Autrement dit, il s’agit plus d’un comportement milicien que de celui d’une résistance organisée et disciplinée. De plus, tout comme les habitants de Tripoli, ceux de Saïda aspirent à la tranquillité et à la prospérité. Or les premiers à pâtir des agissements du cheikh, notamment la fermeture des routes et les incidents armés, sont les habitants de la ville, et en particulier les commerçants qui déplorent la stagnation du marché. C’est d’ailleurs à cause de l’impopularité du sit-in de cheikh al-Assir qu’Ahmad Hariri s’était hâté de le convaincre d’ouvrir la route, à la veille d’une grève générale décidée par les notables de Saïda en guise de protestation contre son action. Il avait d’ailleurs pris cette initiative après une série de visites inattendues de Bahia Hariri à Oussama Saad et Abdel Rahman Bizri, les principaux opposants au courant du Futur à Saïda.

Du côté du 8 Mars, on considère donc que l’action de cheikh al-Assir nuit d’abord à sa ville et ensuite au courant du Futur qu’il refuse d’ailleurs d’intégrer. Même si sa cible principale est le Hezbollah, pour l’atteindre, il devra d’abord en découdre avec ses rivaux sur la scène sunnite, à moins de réussir à les entraîner dans son sillage... Par contre, ce qui intrigue le 8 Mars, c’est l’attitude (relativement) conciliante du gouvernement à l’égard de cheikh al-Assir, qui commet ouvertement des infractions à la loi. À cette remarque, des sources proches du gouvernement répondent que deux unités des commandos de l’armée ont été envoyées à Saïda pour y maintenir le calme et interdire toute apparence armée. Mais en même temps, le gouvernement ne souhaite pas entrer en conflit avec cheikh al-Assir, ni d’ailleurs avec toute autre formation, surtout sunnite, dans une étape aussi sensible sur le plan confessionnel. Des sources moins officielles laissent de leur côté entendre que tout comme à Tripoli, le Premier ministre préfère laisser faire pour finir par rafler la mise. Comme l’a déclaré sayyed Nasrallah dans son dernier discours, Nagib Mikati a une patience proportionnelle à sa taille...
 

Source: lorientlejour.com, par Scarlett HADDAD

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