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"Il y a eu une réelle frustration autour de l’inaction d’Obama"

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Selon une étude du Pew Research Center parue en juin, la cote de popularité de Barack Obama a chuté de 9 points dans les pays musulmans entre 2009 et 2012, passant de 33 % à 24 % d'opinions favorables. Dans ces pays, les jugements positifs à l'égard de la politique étrangère américaine ont quant à eux reculé de 19 points : seuls 15 % des sondés approuvant désormais les actions internationales menées par Barack Obama.
 
Directeur de recherche à la Fondation pour les relations internationales et le dialogue extérieur (Fride) et spécialiste du Moyen-Orient, Barah Mikaïl revient sur les différentes raisons qui, trois ans après l'espoir suscité par le discours du Caire, expliquent ce recul de popularité de Barack Obama dans le monde musulman.

 
Le discours du Caire, qui appelait à de nouvelles relations entre les Etats-Unis et le monde musulman, a-t-il perdu de son impact ?
 
Ce discours était encourageant, car il tranchait avec la politique de George W. Bush. C'était un symbole, qui a pu interpeller un grand nombre d'Arabes. Quelque chose allait dans le bon sens avec ce discours. Mais les populations attendent aussi des mises en application. Trois ans après, les pays arabes se demandent si Barack Obama n'a pas, finalement, simplement suivi la politique de George W. Bush.
 
On observe même que dans certains pays, l'opinion était plus favorable en 2008, à l'époque de George W. Bush...
 
Oui, à cette époque, il y avait une certaine "rationalisation" des populations arabes : on connaissait un George W. Bush "va-t-en guerre", leurs attentes étaient donc limitées, voire inexistantes à son égard. Avec Barack Obama, les attentes étaient plus fortes et il y a eu une réelle frustration autour de l'inaction du président américain. 

Comment expliquer que l'Egypte, la Jordanie et le Pakistan soient particulièrement sévères à l'égard de Barack Obama ?

Concernant l'Egypte, cela s'explique par le soutien accordé par Barack Obama au président Hosni Moubarak jusqu'à sa chute. Le pays a également une base islamiste forte, qui est loin d'être pro-américaine. D'autres affaires, telles que les accusations de financement illégal d'ONG portées contre des Américains, ont mis en exergue l'anti-américanisme présent dans le pays. Les Egyptiens ont perçu derrière cette initiative américaine des visées politiques.
 
En Jordanie, l'anti-américanisme a également bonne presse. D'autant plus que la situation est très complexe dans le pays : depuis le printemps arabe, le roi est fortement critiqué par la population qui, en retour, pointe du doigt ses soutiens : c'est-à-dire, entre autres, les Etats-Unis.
 
Et concernant le Pakistan ?

Au Pakistan, Barack Obama a continué la politique menée par George W. Bush, mais avec un packaging différent. Plus le temps passe, plus l'on voit que les Etats-Unis sont pour l'usage de la force, en témoignent les bombardements à la frontière de l'Afghanistan et du Pakistan. Quand j'étais au Pakistan, en plein printemps arabe en février 2011, les médias ne parlaient que du meurtre de deux civils par un diplomate américain.
 
Quant aux efforts de lutte antiterroriste menés par les Etats-Unis dans le pays, ils sont vus comme favorisant les intérêts américains, et non pakistanais. Les Pakistanais n'adhèrent pas aux fondements de la lutte antiterroriste, tels que définis par les Etats-Unis.
 


Comment la traque d'Oussama Ben Laden a-t-elle été perçue par la population pakistanaise ? A-t-elle été vue comme une forme d'ingérence dans le pays ?
 
Les Pakistanais ne peuvent être soupçonnés d'être des inconditionnels de Ben Laden. Néanmoins, les conditions dans lesquelles celui-ci a été tué leur ont donné matière à critiquer deux acteurs : les Etats-Unis et le gouvernement pakistanais. C'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement pakistanais s'est empressé de condamner la manière dont ont procédé les Etats-Unis, car cette stratégie était une remise en cause de la souveraineté du Pakistan. L'opinion publique pakistanaise a saisi l'occasion pour réaffirmer son opposition aux Etats-Unis, à ses politiques régionales et à ses modalités d'ingérence.
 
La position de Barack Obama vis-à-vis de l'islam a-t-elle évolué depuis trois ans ?
 
Dès 2009, Obama s'est montré moins intolérant à l'égard des musulmans que ne l'a été George W. Bush. Mais il n'y a pas eu d'actions concrètes de sa part. Aujourd'hui, que peuvent reconnaître les musulmans à Barack Obama, que George W. Bush n'avait pas fait ? Il avait les moyens de mettre en place des modalités d'action, de faire la différence, par exemple, sur le conflit israëlo-palestinien. A la place, il s'est posé contre la reconnaissance d'un Etat palestinien. Les symboles forts ont manqué.

Comment les pays arabes réagissent-ils aujourd'hui à la stratégie américaine en Syrie ?

A mon sens, le scepticisme prévaut vis-à-vis des Etats-Unis : personne ne veut les voir faire preuve d'ingérence en Syrie comme ailleurs. L'exemple de l'Irak reste très présent dans les esprits. Autant beaucoup d'Arabes peuvent être pour le changement en Syrie, autant ils ne veulent pas que cela soit mis au bénéfice d'un pays étranger à la région, et souvent coupable de "deux poids, deux mesures", de surcroît.



Source: Le Monde.fr

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