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Bonne année 2010, Monsieur le président!

Bonne année 2010, Monsieur le président!
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Gérard Courtois
Source: Le Monde

Les années se suivent et ne se ressemblent pas. L'an dernier, à pareille époque, Nicolas Sarkozy paraissait en position de force. La crise économique et financière mondiale avait évidemment chamboulé tous les paramètres de son action, de ses projets et de son calendrier. Mais il l'avait affrontée avec une détermination et une capacité d'adaptation indéniables, mis en valeur par la présidence de l'Union européenne assumée durant le semestre précédent. L'opinion lui reconnaissait d'avoir - enfin - endossé pleinement le costume présidentiel: il abordait 2009 avec des cotes de confiance encore négatives, mais en nette amélioration. "Peut-il être battu en 2012?", s'interrogeaient alors les gazettes.
Douze mois plus tard, le changement de paysage et de climat est saisissant, tant le président de la République paraît à la peine. Bien sûr, il ne manque pas une occasion de le souligner : "La France s'en sort mieux que les autres" dans la tourmente économique, les explosions sociales, redoutées il y a un an, ne se sont pas produites, et son parti, l'UMP, loin de souffrir de la crise, a remporté les élections européennes de juin.
Il n'empêche. Depuis la rentrée de septembre, tout va de travers et le président lui-même semble avoir perdu la main. La décision spectaculaire du Conseil constitutionnel, qui vient de retoquer la taxe carbone, ne fait que mettre la touche finale à cet automne pourri. Cela avait d'ailleurs commencé, en septembre, avec ladite taxe dont le projet avait provoqué de sérieuses turbulences, non seulement au sein de la majorité (autant que de l'opposition), mais aussi entre le chef de l'Etat et son premier ministre.
Ensuite, les couacs, les polémiques et les erreurs d'appréciation n'ont plus cessé : depuis le lapsus sur les "coupables" du procès Clearstream jusqu'au tollé provoqué par la candidature de son fils Jean à la présidence de l'Etablissement public de la Défense, sans oublier le récit, pour le moins enjolivé, sur sa page Facebook, de sa présence à Berlin le 9 novembre 1989 ; depuis la fronde des élus locaux, et en particulier de deux anciens premiers ministres (Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin) contre la réforme des collectivités et de la fiscalité locale, jusqu'à l'empoisonnante affaire des sondages de l'Elysée épinglés par la Cour des comptes ; depuis les gaffes du ministre de la culture à propos de Roman Polanski ou de Marie N'Diaye, jusqu'aux indisciplines répétées de la secrétaire d'Etat Rama Yade ou aux provocations incessantes du président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé.
Tout a contribué à réinstaller l'image d'un président impatient et brouillon, imprudent ou fanfaron. Il s'était fixé, en 2007, une obligation de résultat ; si son énergie et son volontarisme ne sont pas contestés, c'est son efficacité et la cohérence de la politique menée qui sont désormais mises en doute. Les Français ne s'y sont pas trompés. Nicolas Sarkozy termine l'année à un niveau d'impopularité ou de défiance dangereusement élevé, de 63 %, selon l'IFOP et la Sofres ; si l'on excepte les personnes âgées de plus de 65 ans, deux Français sur trois ne lui font pas confiance ou n'approuvent pas son action.
Ce n'est évidemment pas la meilleure façon d'aborder le premier semestre 2010 et son équation à trois inconnues. La première est celle des élections régionales de mars : face à des socialistes qui défendent leurs fiefs et ont retrouvé quelque assurance, à des écologistes conquérants et à un Front national qui n'a pas dit son dernier mot, elles s'annoncent difficiles.
La deuxième est celle de la réforme des retraites, annoncée pour le printemps : compte tenu de l'inquiétude profonde des Français sur l'avenir de la protection sociale, elle nécessitera énormément de doigté et de pédagogie pour ne pas cristalliser tous les mécontentements. La troisième est la sortie de crise : non seulement la reprise de la croissance s'annonce poussive, selon les dernières prévisions de l'Insee, mais aucun scénario ne prévoit, pour l'heure, une décrue du chômage qui est redevenu et de très loin, le sujet d'appréhension majeur des Français.
Soucieux de se redonner des marges de manoeuvres, le chef de l'Etat voulait mettre à profit les trois derniers mois pour réaliser deux "ouvertures" politiques dont il attendait beaucoup. D'un côté, il entendait démontrer, dans le prolongement du Grenelle de l'environnement de 2007, qu'il était le meilleur écologiste de France.
L'instauration de la taxe carbone en 2010 et un succès de la récente conférence de l'ONU sur le climat devaient étayer la démonstration. Le Conseil constitutionnel s'est chargé de retoquer, sans ménagement, la taxe et, en dépit de ses efforts, il n'y a pas eu de miracle à Copenhague.
L'autre ouverture était en direction des électeurs du Front national, qui l'avaient rejoint en 2007, et qu'il entendait arrimer solidement à la majorité. Mais celle-là aussi a fait long feu. Mal emmanché dans la forme et très contestable sur le fond, le grand débat sur l'identité nationale menace de se retourner contre son initiateur.
Le chef de l'Etat n'aura donc pas trop de la longue et rituelle séquence des voeux de début d'année pour recadrer sa méthode, retrouver une impulsion solide et définir un projet cohérent et convaincant. C'est tout ce qu'on peut lui souhaiter.


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