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La loi Jasta porte préjudice à Riyad et à Washington

La loi Jasta porte préjudice à Riyad et à Washington
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Par Samer R. Zoughaib

La loi Jasta, autorisant les citoyens américains à poursuivre des pays soupçonnés de soutenir le terrorisme devant les tribunaux US porte préjudice aussi bien aux Etats-Unis qu’à l’Arabie saoudite.

La loi Jasta porte préjudice à Riyad et à Washington

La loi Jasta (Justice Against Sponsors of Terrorism Act), votée par le Congrès américain en dépit du véto de Barak Obama, marque un tournant dans les relations entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, leur principal allié au Moyen-Orient aux côtés d’«Israël» depuis des décennies. 

Sur le plan juridique, cette loi place les Etats-Unis en porte-à-faux avec le droit international et confirme une tendance apparue ces quelques dernières années de la volonté de Washington d’imposer ses lois au reste du monde au mépris des conventions et des accords internationaux. Cela s’est clairement manifesté par les lois infligeant des sanctions financières aux banques qui ne respectent pas des lois nationales américaines, et qui ont conduit à des amendes s’élevant parfois à plusieurs milliards de dollars contre des établissements bancaires français, britanniques, suisses ou d’autres pays.

Ces pratiques de rançonnage vont pousser un grand nombre de banques et de pays à diversifier leurs réserves, à se détourner du dollar américain et à introduire de nouvelles devises dans leurs échanges financiers et commerciaux. Début août, Jacob Rothschild, banquier d'investissement britannique et membre de la célèbre famille de banquiers, a déclaré qu’il se détournait de la livre sterling et du dollar américain au profit de l'or et d’«autres monnaies».

La fin d’une lune de miel

Sur le plan géopolitique, la loi Jasta, directement dirigée contre l’Arabie saoudite pour son rôle dans le financement et la propagation du terrorisme, marque la fin de la relation privilégiée qui unissait pendant des décennies le royaume wahhabite et les Etats-Unis.

Les milliards de dollars déboursés par Riyad pour se payer les services de sociétés de relations publiques aux Etats-Unis, afin de polir son image auprès de l’opinion publique, ne l’ont finalement pas protégé. Pas plus d’ailleurs que son action de lobbying dans les coulisses du Congrès et au sein de la classe politique américaine.

Le vote de la loi Jasta est l’aboutissement d’un changement de la perception de l’opinion publique et des médias vis-à-vis de l’Arabie saoudite, longtemps considérée comme un allié fidèle et un ami de l’Amérique. Après la divulgation, le 15 juillet dernier, des 28 pages «secrètes» du rapport d’enquête sur les attentats du 11 septembre, plusieurs articles journalistiques se sont penchés sur le rôle de Riyad dans la propagation du terrorisme, à travers la promotion du wahhabisme, lequel a véhiculé un «islam extrémiste et intolérant».

Le nom de l’Arabie associé au terrorisme

Le 5 août, la journaliste d’investigation de la CNN, Jennifer Rizzo, diffusait une longue enquête intitulée «Le prince et les 28 pages: des liens indirects entre (les attentats) du 11 septembre et un membre de la famille royale révélés». Elle prouve l’existence de liens entre certaines personnes ayant aidé les terroristes du 11 septembre et le prince Bandar ben Sultan, ancien ambassadeur de Riyad à Washington et ex-chef des SR saoudiens.

Trois semaines plus tard, le New York Times (NYT) publiait, sous la plume de Scott Shaneaug, une enquête de fond pointant le rôle de l’Arabie saoudite dans la propagation du wahhabisme, qui est à l’origine de la vague terroriste actuelle qui secoue le monde, et de l’idéologie extrémiste qui s’est développée dans de nombreux pays.

Des dizaines d’autres articles parus dans la presse américaine et autant d’émissions télévisées ont abordé cette question dernièrement, contribuant au changement de la perception positive qu’avait l’opinion publique américaine de l’Arabie saoudite. Désormais, dans l’esprit d’une majorité d’Américains, le nom de ce pays est associé au terrorisme, voire à «Daech».

Cette tendance est irréversible, et même si sur le plan officiel l’Arabie saoudite continue d’être placée dans la catégorie des «alliés» et des «amis» de l’Amérique, les dégâts causés par la loi Jasta aux relations bilatérales iront crescendo.

Les informations faisant état de mesures de rétorsion saoudienne sont des illusions, car elles supposent que le royaume wahhabite dispose d’une marge de manœuvre vis-à-vis de son protecteur d’Outre-Atlantique. Ce qui n’est évidemment pas le cas. La stabilité politique et financière de l’Arabie dépend en grande partie des Etats-Unis. Certes, Riyad a amorcé, récemment, des ouvertures en direction de la Russie et de la Chine, pour réduire sa dépendance. Riyad et Pékin ont ainsi décidé d’utiliser leur monnaie respective dans leurs transactions commerciales, notamment pétrolières. Mais il faudra des années pour que le royaume des Saoud établisse des relations équilibrées. Or le pays traverse une situation tellement difficile sur tous les plans que le temps est un luxe qui lui fait défaut. De plus, il n’est pas dit que Washington le laissera s’éloigner de son orbite sans réagir.

Sur le plan financier, le Wall Street Journal estime que «l’Arabie ne changera pas subitement sa stratégie d’investissements aux  États-Unis». Certes, le royaume peut choisir de «vendre ou de transférer ses avoirs aux États-Unis, quitte aussi à réévaluer sa monnaie le riyal par rapport au dollar afin de libérer leurs échanges monétaire américaines». Mais c’est sans compter les représailles américaines.

Quels que soient les scénarios, il est clair que les relations bilatérales sont durablement endommagées et il sera difficile de les restaurer. L’Arabie saoudite sera contrainte de payer des milliards de dollars aux victimes du terrorisme conformément aux jugements des tribunaux américains. Stephanie Ross DeSimone, qui a intenté un procès contre le royaume auprès d’un Cour de Washington, sera sans doute suivie par des dizaines d’autres plaignants.

Source : French.alahednews

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