Par Soraya Hélou
La vérité finit toujours par éclater et là où on l’attend le moins. Au cours de son témoignage devant la commission de la politique étrangère à Congress, le secrétaire d’Etat adjoint pour les affaires du Moyen orient et ancien ambassadeur au Liban, Jeffrey Feltman a révélé que son administration a débloqué 500 millions de dollars pour ternir l’image du Hezbollah. Cet argent a donc été distribué à tous ceux qui sont susceptibles de contribuer à ce programme qui constitue un des objectifs déclarés de la politique américaine au Liban.
Cette donnée en tête, on comprend un peu mieux ce qui se passe sur la scène interne libanaise. Quels que soient les arrangements internes et les accords arabes favorisant le retour au calme et à l’entente au Liban, le programme américain reste le même: détruire le Hezbollah par tous les moyens possibles, pour servir les intérêts israéliens puisque cette formation, grâce à sa discipline, à la solidité de son engagement, à l’appui dont elle bénéficie auprès de l’Iran et de la Syrie et à sa popularité sur la scène interne libanaise constitue une véritable menace pour "Israël", hier, aujourd’hui et demain. D’autant que ses victoires appellent la contagion et " l’esprit de la résistance " est en train de s’amplifier dans la région, notamment en Palestine et dans le reste du monde arabe.
Le programme de détruire le Hezbollah est donc une constante stratégique pour les Etats-Unis, les fonds augmentent ou diminuent et les campagnes anti-Hezbollah perdent de l’intensité ou au contraire deviennent plus violentes selon les circonstances, mais elles sont toujours là, avec un souci de continuité évident.
Bien entendu, les milieux politiques libanais savaient qu’un tel programme existait. Ils avaient tout seuls établi le lien entre les déclarations ininterrompues de certaines personnalités libanaises, appartenant toutes à un même camp politique, pour discréditer le Hezbollah et chercher constamment à le mettre en difficulté et l’existence d’un maestro étranger qui mène à la baguette cet orchestre plus cacophonique que symphonique. Mais l’aveu de M. Feltman est tout de même un événement important, car ce qui était qualifié par le camp hostile au Hezbollah de paranoïa et de tendance à toujours accuser l’autre de traîtrise est devenu une réalité concrète. Le Hezbollah n’est donc nullement atteint de paranoïa et il n’accuse pas injustement les parties qui lui sont hostiles de servir les projets américains. Ceux-ci existent véritablement et un haut responsable de l’administration américaine ne s’en cache pas. D’ailleurs, ceux qui suivent cette affaire de près estiment que les 500 millions de dollars débloqués par l’administration américaine pour ce projet, ne sont qu’une partie des sommes versées par les ennemis de la résistance pour détruire celle-ci. D’autres pays, dont certains arabes, sont aussi mis à contribution, mais la manne arabe varie selon les réconciliations et au gré des nouvelles ententes, tout en restant globalement généreuse. C’est qu’il faut mettre le paquet pour détruire le Hezbollah, qui au fil des années et des victoires a réussi à se doter d’une grande assise populaire et jouit d’un grand respect de la part de la plus grande partie de la société libanaise. C’est pourquoi le plan visant à le discréditer doit être à la hauteur de l’objectif. Non seulement il est coûteux, mais il doit aussi revêtir plusieurs formes, attaquant sur un quatre fronts: l’image internationale du Hezbollah, son image interne, sa popularité au sein de la communauté chiite et son influence sur les jeunes, en plus des mesures politiques et diplomatiques visant à l’isoler et à l’encercler sur le plan international et arabe. Si la poursuite sans relâche de simples sympathisants du Hezbollah ou de personnes soupçonnées de l’être dans le monde (notamment à Abou Dhabi où l’expulsion de Libanais chiites se poursuit, en Afrique, en Europe et en Amérique latine) est connue, les détails du plan destiné à l’intérieur libanais restent un peu flous. Ils méritent en tout cas un article entier…
(A suivre)