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L’Evêque Samir Mazloum à Alahednews: L’occident ne protège pas les chrétiens, mais plutôt ses propres intérêts

L’Evêque Samir Mazloum à Alahednews: L’occident ne protège pas les chrétiens, mais plutôt ses propres intérêts
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Rien ne trouble le calme de Bkerké. Les évêques y suivent les affaires de l'église, indépendamment de la dimension des crises politiques au Liban. Mais, les échéances intérieures et extérieures les contraignent à ne pas être à l'écart des évènements en cours autour d'eux. Et puisque le Liban souffre de maintes crises compliquées, le patriarcat maronite accompagne toujours les développements.

C'est avec une grande colère et regret, que l'évêque Samir Mazloum, vicaire patriarcal au Liban, évoque l'échec des députés libanais d'élire un président de la République. Selon lui, l'incapacité des députés à assumer leurs responsabilités nationales a abouti au maintien du fait accompli. La solution réside, d'après l'évêque, dans le renforcement des institutions étatiques et militaires.

Le péril takfiriste qui menace la totalité de la région, est placé par le prélat dans le contexte d'un complot international visant à effriter les pays arabes en mini-états confessionnels et sectaires en perpétuel conflit, afin d'assurer le bien-être d'«Israël». Il affirme que les chrétiens arabes sont menacés à l'heure actuelle, mais que l'intervention de l'occident n'a pas toujours pour but de les protéger, mais plutôt de servir ses propres intérêts.

Le vicaire patriarcal assure comprendre la présence du Hezbollah en Syrie. Il est convaincu que le combat du parti en Syrie ne justifie guère la vague takfiriste qui frappe le Liban. Il rappelle que les extrémistes s'étaient manifestés avant le début de la guerre en Syrie.

Voici le texte de l'interview accordée par l'évêque Mazloum à Al-Ahednews :


Q- A l'ombre des turbulences dans la région arabe, notamment en Syrie et en Irak, dans quelle mesure l'église chrétienne au Liban se trouve affectée par les évènements de l'entourage ?

L'église du Liban est affectée par tout ce qui se déroule dans la région, puisque les chrétiens y sont présents en masse et que leur sort était-il en Irak, en Egypte, en Palestine ou en Syrie, constitue un péril et une grande menace pour leur pérennité sur cette terre, eux qui constituent une pierre de base de sa civilisation. Ce que subissent les chrétiens à l'heure actuelle, constitue une agression contre leurs droits, ce qui priverait le monde arabe d'une particularité culturelle, humaine et religieuse authentique. Eliminer la présence chrétienne appauvrira la région qui ne jouira plus du pluralisme, mais d'une vision culturelle unique.
Donc, Musulmans et Chrétiens sont concernés par ce qui a lieu en Syrie et en Irak, dans la mesure où les guerres dans ces deux pays visent à les effriter et menacent les sociétés de ces pays, tout comme au Liban. D'ailleurs, c'est une des raisons de nos appréhensions dans le monde arabe.
Dans ce contexte, une grande question se pose. Pourquoi les chrétiens souffrent-ils tant ? Pourquoi sont-ils expulsés de leurs maisons ? Où sont les droits et la dignité des hommes ? Certains groupes considèrent que vivre est un droit exclusif à leurs partisans, alors que tout autre doit se soumettre ou être assassiné. Ce fait est contraire à tous les droits de l'homme. Quel est le péché commis par les Yazidis en Irak pour qu'ils soient persécutés de la sorte ? Est-ce le fait d'être une minorité incapable de se défendre ? C'est la logique adoptée par des groupes qui se donnent le droit d'éliminer les autres factions ! Quelle loi de jungle sévit ces jours-ci ???

L’Evêque Samir Mazloum à Alahednews: L’occident ne protège pas les chrétiens, mais plutôt ses propres intérêts

Q- Lorsque nous évoquons le danger existentiel qui menace les chrétiens, on s'interroge sur le rôle de l'occident censé protéger les chrétiens de l'Orient ?


Les chrétiens sont présents dans cette région avant les interventions de l'occident et avant que ce dernier ne se présente en tant que protecteur des minorités. Les chrétiens y vivaient, même avant l'Islam. Ils y ont vécu aux côtés des Musulmans depuis plus de 1400 ans. Ces deux communautés ont bâti ensemble la civilisation arabe commune. Mais l'occident est intervenu dans la région conformément à ses intérêts. Les Américains ont intercédé pour défendre «Israël». Ils veulent fragmenter tous les pays de l'entourage d'«Israël» pour que ce dernier devienne le maitre de la région. L'occident, ne vient pas pour protéger les chrétiens. Il s'en fout de la présence chrétienne ou des minorités. Au contraire, les pays occidentaux œuvrent pour fragmenter la région en mini-états confessionnels et sectaires en perpétuel conflit, en faveur d' «Israël». Donc l'occident n'est pas le sauveur auquel nous aspirons. De fait, l'intervention de l'occident n'a pas toujours pour but de protéger les chrétiens mais plutôt de servir ses propres intérêts.

Q- Quel rôle ont joué le Vatican et les Eglises mondiales pour protéger les chrétiens du Moyen Orient ?

Le Vatican est une référence spirituelle et morale pour les chrétiens du monde. En même temps, c'est une référence mondiale pour les éthiques et les droits de l'homme. Cette référence a son mot à dire parce qu'il n'a pas d'intérêts propres. Lorsque le Saint-Siège intervient dans une affaire, il cherche à défendre des individus et des principes. Il ne le fait pas à partir des intérêts relatifs au pouvoir ni au colonialisme. Le Vatican croit aux principes religieux et humains. La relation avec le Vatican revêt aussi une dimension religieuse et spirituelle. Cet Etat ne possède pas de tanks ou de missiles. Il n'intervient pas pour imposer sa présence ou protéger les gens par les armes. Nous devons donc faire une distinction entre le rôle du Vatican et celui des pays occidentaux.

Q- possédez-vous des nombres concernant le taux des chrétiens qui ont émigré du Liban ?
L'immigration moderne du Liban est ancienne et date de la moitié du XIXe siècle. Mais les guerres qui ont eu lieu au Liban ont provoqué l'émigration de toutes les communautés libanaises. Ces hommes ont émigré pour survivre. Par exemple, la guerre du Mont-Liban a causé l'évacuation de plus de 65 villages chrétiens. Les églises y ont été détruites. Quant aux chiffres, et en dépit des recensements officiels, on estime que le nombre des chrétiens émigrés durant la guerre civile de 1975 à ce jour a atteint les 800 mille ou le million. Ceux-là se sont rendus définitivement aux Etats-Unis, en Australie, au Canada et en Europe. Alors que les libanais émigrés dans le Golfe et l'Afrique, nous estimons que leur migration est temporaire. En effet, c'est l'émigration définitive qui nuit aux Libanais. Selon certaines études, les chrétiens de différentes confessions qui résident toujours au Liban atteignent le un million et 200 mille personnes. Nous souhaitons qu'ils y persistent en dépit des turbulences en cours.

Q- A partir des endurances des chrétiens en Syrie et en Irak, que dites-vous après avoir vu la destruction des monastères de Maaloula et de Saydnaya ? Et communiquez-vous avec les responsables religieux dans ces régions ?

Bien sûr nous communiquons toujours avec le pouvoir ecclésiastique en Syrie. Les exactions contre les chrétiens de Maaloula font partie des agressions menées par les groupes takfiristes en Syrie. Ces derniers qui s'arrogent le droit d'imposer leurs points de vue sur les gens. En effet, ces exactions s'inscrivent dans le cadre d'un plan international visant à fragmenter la région et les pays, dont la force et l'unité dérangent les Israéliens.
Toutes les alliances entre «Israël» et l'occident ont pour but de préserver l'entité israélienne en lui donnant l'ultime priorité. Pour cette raison, on entreprend d'affaiblir les pays du voisinage. Au Liban, on a provoqué une guerre civile, l'armée et l'économie ont été affaiblies. Mais la Résistance islamique a affronté les Israéliens, en dépit de toutes les tentatives en cours pour l'occuper en Syrie par les groupes takfiristes. Comme si une alliance secrète était conclue entre certains pays et ces groupes. Ces faits portent atteinte aux chrétiens en Syrie et au Liban à la fois.

Q- Des informations font état, ces jours, de l'armement de certains habitants des villages chrétiens frontaliers avec la Syrie, pour prévenir toute agression terroriste. Encouragez-vous de telles mesures ?

Nous sommes favorables à tout ce qui protège la patrie et les Libanais, mais ce fait ne peut être assuré que par l'Etat. Si chaque faction a voulu se protéger, quel rôle restera à l'Etat pour jouer? Alors que si l'Etat s'abstient d'assumer son devoir, chaque Libanais sera menacé, non seulement les chrétiens. Sur ce, nous estimons que le danger menace tous les Libanais, tout au long du territoire. Nous exhortons l'Etat à étendre son pouvoir sur tout le territoire, à renforcer l'armée libanaise et à lui assurer tous ses besoins pour instaurer la stabilité. Nous n'encourageons l'auto-défense dans aucune région libanaise, parce que ce fait signifierait la fragmentation de l'Etat et le clivage entre les Libanais et par la suite la mise en place des milices, déjà expérimentées durant la guerre civile. Nous n'aspirons point à leur retour sur la scène libanaise. Nous appelons à soutenir l'armée pour permettre à l'Etat d'imposer son prestige.

Q- On est chaque jour informé du démantèlement de cellules terroristes au Liban. Croyez-vous que ces tensions sont dues à l'intervention du Hezbollah en Syrie ?

Bien sûr que non. Ces terroristes sont là avant le déclenchement de la guerre en Syrie. Ils avaient entamé leur action en Egypte, en Lybie en Tunisie et en Irak. Mais en Syrie, ils ont occupé un large pan du pays, où ils se sont installés. En effet, ils ne sont pas entrés en Syrie à cause de la présence du Hezbollah. On peut plutôt dire que l'intervention du Hezbollah en Syrie était dictée par des raisons valables, du point de vue stratégique du parti, en dépit de l'opposition de certains qui jugent une telle intervention comme une aventure périlleuse pour le Liban.

Q- Etes-vous convaincus des motifs de l'intervention du Hezbollah en Syrie ?


Le Hezbollah a ses propres stratégies et contacts. Il a jugé bon d'aller en Syrie pour y confronter les groupes armés, sachant que la répercussion de cette mesure sur ses relations avec certaines factions libanaises, opposées au régime syrien, ne furent pas positives. Pour notre part, nous aurions souhaité qu'il n'y ait pas de tels évènements dans la région. Tout ce qui s'y déroule, nécessite un renforcement de l'Etat pour que la Résistance se consacre essentiellement à dissuader les agressions israéliennes. Nous estimons dans ce contexte que l'Etat libanais ne doit pas rester dans une telle situation de division.

Q- Concernant le dossier politique intérieur, comment commentez-vous la prorogation du mandat du Parlement ?

La position de Bkerké est favorable au bon fonctionnement des institutions étatiques et constitutionnelles pour qu'elles remplissent leurs obligations. Tout ce qui entrave ce but, nous l'estimons comme une menace pour l'avenir des Libanais. Sur ce, nous étions avec un accord autour d'une loi électorale juste, qui assure la bonne représentation pour tous les Libanais. Mais cet accord n'a pas eu lieu, ce qui a poussé le Parlement à proroger son mandat une première fois, et puis récemment, une seconde fois. Nous avons appelé à l'élection du président de la République dans les délais constitutionnels. Mais ces délais ont expiré le 25 mai. En ce moment, nous vivons à l'ombre de la vacance présidentielle, ce qui augmente la faiblesse voire la désintégration de l'Etat. A l'heure actuelle, la Chambre ainsi que la vie économique souffrent de ces conditions, mais pourquoi sommes-nous arrivés à cet état ? Le Parlement a approuvé une première prorogation et puis une deuxième. Dans la première période de prolongement, les députés n'ont pas rempli leurs devoirs. Même à l'ombre des tensions sécuritaires, on aurait pu organiser les législatives, à la suite d'un accord autour d'une loi électorale juste, mais ils ont aussi échoué à élire un président.

L’Evêque Samir Mazloum à Alahednews: L’occident ne protège pas les chrétiens, mais plutôt ses propres intérêts

Q- En tant qu'autorité religieuse que ferez-vous à l'égard du clivage chrétien, surtout que chaque parti avance une candidature à la présidentielle ? Et envisagez-vous une mesure sérieuse qui pourrait débloquer cette échéance ?

Nous tentons toujours de rapprocher les points de vue entre les factions chrétiennes et libanaises, mais nous ne désirons pas ou n'avons pas le potentiel d'imposer notre point de vue. Nous sommes en mesure d'orienter, de rappeler et d'avancer le conseil et même de faire des reproches si la condition oblige. Bien que des factions chrétiennes se fassent concurrence pour parvenir à la présidence, l'élection d'un président n'est pas uniquement du ressort des chrétiens, mais de tous les Libanais, appelés à participer à cette échéance. Les communautés libanaises doivent déployer les efforts pour assurer l'aboutissement des élections. A notre tour, nous exhortons toujours à l'élection du président.

Q- D'après votre avis, qui est la personnalité qui doit être élue, indépendamment de la concurrence entre les parties politiques ? Et si vous ne soutenez aucun candidat, appuyez-vous une personnalité impartiale ?

Ce qui nous importe, c'est l'élection d'un président. Ce fait nécessite le vote de 128 députés. Dans tout système démocratique, la concurrence a lieu. Mais cette dernière ne doit pas bloquer les institutions. L'église n'avance aucune candidature et n'oppose pas de veto. La communauté maronite comprend d'énormes potentiels et des personnes compétentes. Les responsables doivent chercher la personne qui pourrait occuper le poste en question. Nous les presserons toujours de le faire.

Q- Préparez-vous le projet d'une conférence de dialogue interchrétienne dans les proches délais?

Le patriarcat est ouvert à tous et dialogue avec tous. Mais la conjoncture actuelle ne permet pas de rassembler les parties chrétiennes. Pourtant nous ne nous y opposons pas, si les conditions obligent.

Q- Qu'en est-il des sommets islamo-chrétiens ? Et quel serait le rôle d'un tel sommet spirituel ?


Dernièrement, un sommet islamo-chrétien a été tenu. En effet, le rôle des instances islamiques et chrétiennes est important dans la mesure où elles peuvent illustrer l'image positive de la société libanaise et de la vie commune. Nous communiquons constamment avec les références religieuses, mais la tenue d'un sommet spirituel doit avoir un but et n'est pas aussi facile.

Q- Dans le contexte des évènements de Tripoli, on a constaté plusieurs campagnes menées contre l'armée libanaise, surtout par le député du Futur, Khaled Daher, au moment où le discours officiel de ce courant soutient l'institution militaire. Comment réussir à cesser ces campagnes contre l'armée ?

Tous savent que la communauté sunnite témoigne de divisions. Il y a une faction modérée qui a contribué et contribue toujours au bon fonctionnement des institutions. Mais il y a aussi des parties extrémistes et takfiristes, installées il y a des dizaines d'années à Tripoli. Les takfifistes n'ont pas émergé récemment dans cette ville, mais leur nombre y était réduit ainsi que leur influence, vue l'opposition de la majorité des Libanais à cette vague. Toutefois, la montée en puissance de « Daech » dans la région, a encouragé ces groupes à s'activer sur la scène tripolitaine. Ces faits ont affecté la situation au Liban notamment dans la capitale du nord. Le courant du Futur n'est plus seul. Plusieurs autres courants ont émergé sur la scène sunnite.
Certains protagonistes, comme Khaled Daher, adoptent un double discours. Ils profitent des deux parties. Il pourrait, au fond de lui-même, être plus proche des groupes extrémistes, mais ses intérêts l'obligeraient à demeurer au sein d'un large bloc parlementaire. Ce fait porte atteinte à l'armée et à la vie commune. Nous le refusons et appelons les Libanais à soutenir l'armée pour assumer son rôle.

Q- On reproche au patriarche maronite ses voyages fréquents et ses maintes prises de position
. Comment répondez-vous ?

Oui, le patriarche effectue de fréquents voyages. Mais ce fait émane de l'importance de son statut religieux. Il est le patriarche des maronites dans le monde, non seulement au Liban. Et s'il y a au Liban environ un million de maronites, il y a environ trois millions dans le monde. Les tournées du prélat à l'étranger n'ont pas de fins politiques. Il ne le fait pas aussi pour la convalescence. Il se rend dans les lieux où se trouvent les maronites pour suivre leurs affaires, surtout dans les pays secoués par des tensions. De surcroit, le patriarche est membre de plusieurs commissions au Vatican et ses responsabilités le poussent à voyager à Rome plusieurs fois par an.
Quant aux prises de position du patriarche, nous rappelons que la situation dans la région est instable. Ceci signifie que ses points de vue à l'égard d'une question ou d'une autre ne peuvent durer cent ans. La condition change d'un jour à l'autre et tout responsable est contraint de prendre des positions récentes, concernant les mutations en cours dans le monde. Mais ceci ne signifie point que le patriarche maronite s'éloigne de ses principes.

Source : Al-Ahednews

 

 

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