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Les municipales, union et mélange des cartes politiques et familiales

Les municipales, union et mélange des cartes politiques et familiales
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Par Soraya Hélou
Pour une fois, la formule du président de la Chambre Nabih Berry n’est pas aussi précise qu’à l’accoutumée. Evoquant les prochaines élections municipales, Berry a affirmé : « Nous avions craint qu’elles ne constituent un facteur de division, en fait, elles sont un facteur d’union ». Le président de la Chambre parlait surtout des régions du Sud et de la Békaa, à forte dominante chiite, où le Hezbollah et Amal ont réussi une première en concluant un accord pour éviter les batailles municipales, basé sur un partage proportionnel des sièges en tenant compte des composantes sociales et familiales des villages et localités. Il parlait aussi sans doute de l’entente réalisée autour des élections municipales à Saïda où, grâce au rapprochement syro-saoudien, la bataille sera évitée. Berry pouvait aussi penser à Tripoli, où toujours dans la même foulée, le Courant du Futur cherche à s’allier avec les autres partenaires pour éviter une bataille. Mais dans certaines autres localités du pays, la bataille s’annonce féroce. C’est par exemple le cas à Jbeil et à Zahlé, ainsi qu’à Hadath et Hazmieh dans le caza de Baabda. En général, les batailles se dérouleront surtout dans les régions à dominante chrétienne, les grands courants qui se disputent la représentation de ces régions se défendent en affirmant que c’est dans leurs régions, que le jeu démocratique est préservé, mais souvent ce jeu se transforme en lutte sans merci qui aboutit à un plus grand effritement de la communauté chrétienne.
Justement, pendant plusieurs semaines, le flou a été maintenu sur la tenue ou non des élections municipales à partir du 2 mai prochain et tout au long du mois. Dans les milieux politiques, des rumeurs insistantes sur leur éventuel report circulaient. Les partisans du report invoquaient la nécessité de permettre à la population de souffler après les cinq dernières années de division et de conflit, précisant que les campagnes électorales ne peuvent que ranimer les sentiments confessionnels … Mais avec la conclusion de l’accord entre Amal et le Hezbollah et le climat d’entente qui règne plus ou moins dans le pays, notamment avec le rapprochement entre le Courant du Futur et le Hezbollah et le changement de camp de Walid Joumblatt, le danger que pourrait représenter la tenue de ces élections pour l’unité interne s’est affaibli et le rendez vous a été maintenu.
Les batailles resteront ainsi limitées à des régions déterminées et même à des localités précises. Mais la grande nouveauté de ces élections, c’est que même les clivages traditionnels au sein de la communauté chrétienne sont parfois dépassés au profit d’autres conflits. Au Metn, par exemple, les ennemis d’hier, le courant aouniste et les partisans du député Michel Murr ont conclu des alliances dans certains villages et même dans la localité de Bteghrine, fief de Murr. De même, dans d’autres localités, le parti kataëb s’est joint à ces alliances. Dans d’autres coins, comme Dbayé, les Forces libanaises ont passé une alliance avec leur ennemi juré le PSNS contre le CPL. A Jounieh, FL, Kataëb et CPL se sont retrouvés sur une même liste, alors qu’à Zahlé, outre le clivage traditionnel entre les chrétiens du 14 mars et ceux du 8 mars, une nouvelle division est apparue entre les alliés habituels: les kataëb présentent ainsi une liste et les FL une autre, alors que le CPL et le courant d’Elias Skaff ne sont pas parvenus à s’entendre en dépit des efforts de l’ancien vice-président de la Chambre Elias Ferzli. Skaff veut faire cavalier seul pour prendre sa revanche des dernières législatives et aussi pour bien montrer à ses alliés sa propre force. A Jbeil, les élections municipales ressemblent beaucoup aux dernières législatives, puisqu’elles opposent les chrétiens du 14 mars alliés au président de la République (même si ce dernier se défend d’intervenir, certains candidats affichent ouvertement leur appartenance) à ceux du 8 mars plus l’ancien ministre Jean Louis Cardahi très populaire dans la ville … A Zghorta, Sleiman Frangié et Michel Moawad ont conclu une alliance, alors qu’à Beyrouth, si ces conditions ne sont pas respectées, Aoun souhaite mener une bataille pour l’honneur et pour montrer son poids dans la capitale…
C’est dire que pour ces municipales, il n’y a pas une lecture unique ni des critères identiques pour toutes les localités. Elles donnent en fait lieu à une véritable redistribution des cartes internes, dans un mélange d’alliances et de désaccords qui reposent essentiellement sur des considérations familiales, propres à chaque localité. Au final, certains courants tenteront certainement de faire les calculs des pertes et des victoires, mais les équilibres politiques consacrés à travers les nouvelles orientations du pays, à savoir l’ouverture sur la Syrie et la reconnaissance du droit à la résistance, ne devraient pas être modifiés. Alors quelques sièges municipaux de plus ou de moins, ne changeront rien à ce qui est devenu une réalité: le Liban fera face uni à toute agression israélienne.

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