noscript

Please Wait...

ramadan2024

Le droit à défendre la terre à Ouyoun Orghoch...et au Sud

Le droit à défendre la terre à Ouyoun Orghoch...et au Sud
folder_openAnalyses access_time depuis 13 années
starAJOUTER AUX FAVORIS

Par Souraya Hélou

Le chef de l’Eglise maronite est un homme d’une grande sagesse. Ses propos sont souvent assez flous pour que chaque partie puisse les interpréter à sa guise. Et même si sa sympathie va sans conteste aux Forces libanaises et au camp du 14 mars en général, - il l’a bien prouvé au cours des 5 dernières années- son sens aigu des réalités le pousse à laisser toujours une porte ouverte pour le dialogue ou le compromis.

Sa dernière déclaration dimanche dernier devant des représentants des familles habitant ou exploitant Ouyoun Oghoch a pu surprendre le citoyen libanais moyen. Comment un chef religieux, chrétien de surcroit, peut-il défendre le port d’armes illégal et les tirs contre des citoyens désarmés ? Comment le chef de l’église maronite, qui prône le pardon,  peut-il excuser une agression armée contre des civils, dont des femmes et des enfants, même si ceux-ci avaient l’intention de commettre un vol, comme ont tenté de l’affirmer les auteurs des tirs dans les médias proches des Forces libanaises ? Comment Mgr Nasrallah Sfeir, promu au rang de cardinal par le pape Jean Paul II pour ses positions pleines de sagesse à la fin de la guerre civile dans les années 90 peut-il excuser, voire justifier, le port d’armes illégal par un groupe de civils, alors qu’il ne cesse de répéter qu’il faut renforcer l’Etat libanais et ne plus appuyer ceux qui forment des mini-Etats au sein de l’Etat ? Le mufti du Mont-Liban Mohammed Ali Jouzou, connu pour ses prises de position explosives (au propre et au figuré) ne se serait pas mieux exprimé s’il s’agissait d’un des groupes sunnites qui ont la chance de bénéficier de son appui.

Mais voilà, celui qui a défendu le droit des habitants de Ouyoun à porter illégalement des armes de guerre, qui sont fabriquées en "Israël" et à les utiliser pour en principe défendre leurs terres, n’est ni un mufti, ni un cheikh ni un homme politique. Il s’agit d’un homme de religion, de la tête d’une Eglise certes combattante à certains moments de son histoire, mais qui élève les valeurs de pardon et de paix et qui doit se référer au texte de l’exhortation apostolique pour le Liban décidé par le pape Jean Paul II en 1997 et dont le grand titre se résumai à pousser les chrétiens du Liban à s’intégrer au sein de leur environnement libanais, arabe et musulman.

De tels propos prononcés par une telle figure, dotée d’une grande autorité morale, avaient de quoi surprendre, même ceux qui n’accordent pas de place à la religion dans la politique interne. Officiellement, personne n’a voulu répondre au patriarche maronite, pour éviter de polémiquer avec une autorité religieuse et envenimer ainsi le débat politique, surtout à la veille des élections municipales, qui devraient donner lieu à des batailles féroces dans les régions à majorité chrétienne. Mais dans les cercles privés, les propos du patriarche ont suscité de nombreux commentaires.

Pour certains, Mgr Sfeir n’avait pas été aussi loin dans son appui aux Forces Libanaises depuis sa fameuse déclaration à la veille des élections législatives, lorsqu’il avait exprimé sa « crainte pour l’avenir de l’entité libanaise ». Selon cette interprétation, le patriarche aurait ainsi volé au secours de son protégé Samir Geagea, qui se sent victime d’un complot, comme en 1994, à la veille de son arrestation.

Pour d’autres, le patriarche a plutôt cherché à rassurer ces chrétiens bouillonnant de colère et connus pour leur violence qui vivent dans ces lieux isolés et sont peu rompus aux usages civils. De plus, ces chrétiens se sentent effrayés par l’arrivée en masse des musulmans venus du Hermel ou de Baalbeck vers leur région, en principe pour profiter du bon air, mais qui petit-à-petit, et s’ils n’y prennent pas garde, pourraient s’incruster sur place… comme ils l’ont fait dans d’autres régions.  Le principal souci du patriarche Sfeir aurait donc été de les calmer et de les rassurer, avec en toile de fond la nécessité de préserver la présence des chrétiens dans cette montagne historique et stratégique.

En estimant que le port d’armes, même illégal, est justifié par la volonté de défendre sa terre, le patriarche a voulu prendre en considération le côté noble de l’affaire, oubliant sciemment ou non, qu’il s’agissait surtout, pour les assaillants de défendre un dépôt de drogue. Bref, le patriarche en est resté au principe : la défense de la terre est une priorité et elle justifie tous les excès. Seulement, ce principe n’est pas seulement valable à Ouyoun orghoch. Il s’applique aussi à l’ensemble du territoire libanais. Consciemment ou non, le chef de l’Eglise maronite a reconnu le droit des Libanais à la résistance pour défendre leur terre.  C’est d’ailleurs la première fois que le patriarche Sfeir l’exprime avec une telle clarté, se transformant ainsi en grand résistant. Merci donc aux agresseurs à Ouyoun orgoch d’avoir réussi à arracher au patriarche cette magnifique déclaration, qui servira désormais de principale justification de la résistance du Hezbollah au Sud et contre les agressions israéliennes sous toutes leurs formes. Il lui reste toutefois à préciser que la défense de la terre ne se fait pas en principe contre les compatriotes, mais contre l’ennemi. Le premier pas étant accompli, il y a de fortes chances que la seconde déclaration suive un jour…

//