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Geagea et le scénario de la victimisation…

Geagea et le scénario de la victimisation…
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Par Souraya Hélou

C’est devenu une tactique éculée. Chaque fois qu’il pense qu’il pourrait être mis en cause, le chef des Forces Libanaises Samir Geagea s’attribue le rôle de la victime. Et pour échapper aux accusations, il évoque un vaste complot mené contre lui, fomenté « hors des frontières libanaises » (Du genre: je ne nomme personne, mais suivez mon regard dirigé vers la Syrie). Tout comme dans l’affaire de l’explosion de l’Eglise Notre Dame de la Délivrance à Zouk en 1994, Geagea multiplie les déclarations pour affirmer qu’on lui en veut et qu’on le cherche exprès parce qu’il est le seul à résister encore à «l’influence de Damas».
Tout comme dans l’histoire de l’église de Zouk, l’incident de Ouyoun Orghoch vendredi dernier serait donc un coup monté contre les Forces Libanaises et leur chef. Avec une certaine habileté, Geagea commence par occulter les faits pour noyer le poisson dans les sauces politiques.
Le chef des Forces libanaises a ainsi tourné à son avantage la décision de la Cour de justice (la plus haute instance judiciaire du pays) qui l’avait acquitté dans l’affaire de l’église faute de preuves tout en condamnant les Forces libanaises, à travers plusieurs de ses membres. Mais il a réussi à faire oublier ce détail important pour prétendre qu’il a été innocenté et que cette affaire était un coup monté contre lui dans le but de l’arrêter et de dissoudre le parti des FL.
Aujourd’hui, il reprend la même tactique, criant au complot alors que les faits sont clairs: il y a eu une agression armée par le biais d’armes de guerre portant des inscriptions en hébreu contre deux familles chiites venues déjeuner et fumer le narguilé dans l’un des nombreux petits restaurants du lieu. Les agresseurs, des membres de la famille Tok, ont été identifiés comme étant membres des Forces libanaises et on a retrouvé dans les cabanes perdues dans ce coin désert dont ils avaient la garde, près d’une tonne de hachich, des armes moyennes (RPG) et des munitions à gogo. Pourquoi ces « gardiens » ont tiré sur les clients du restaurant? C’est ce qui reste à définir. Naturellement, Geagea évite d’aborder cette question, préférant jouer à la victime que l’on poursuit plutôt que de reconnaître la faute.
Toutefois, dans les milieux politiques et populaires cinq versions sont avancées.
La première affirme que les « gardiens » ont appliqué une décision des familles de la région d’intimider les clients chiites pour éviter qu’ils ne viennent dans ce secteur. La seconde prétend que les mêmes gardiens ont été inquiets de voir des familles suspectes s’aventurer près des cabanes dont ils ont la garde et ils ont tiré pour les faire fuir. Selon la troisième version, les gardiens ont pris les deux familles venues déjeuner et fumer le narguilé avec leurs enfants pour des voleurs et ils ont tiré pour les empêcher d’accomplir leur mission. Dans la quatrième version, les tireurs attribuent leur acte à un conflit sur l’eau entre les habitants de la région et ceux du Hermel voisin et l’agression s’inscrit dans une décision de ne pas laisser les habitants du Hermel et de Baalbeck profiter des sources d’eau nombreuses à Ouyoun orghoch et dans ses environs. Enfin, selon la dernière version, ces deux familles auraient été envoyées exprès par les services de renseignements de l’armée qui pourchassent les trafiquants de drogue et qui attendaient une telle réaction de la part des gardiens pour pouvoir intervenir et effectuer des perquisitions dans le coin.
Quelle que soit la version adoptée, les faits restent les mêmes: des gens armés ont tiré sur des citoyens désarmés à l’aide
d’armes sans permis de fabrication israélienne et de la drogue a été trouvée dans leurs cabanes. Il y a donc déjà quatre délits par rapport à la loi libanaise: l’agression armée contre des civils, le port illégal d’armes, les armes en provenance d’"Israël" et le trafic de drogue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le procureur militaire a engagé des poursuites contre deux des gardiens et il a déféré le dossier de la drogue au bureau de la lutte contre le trafic de stupéfiants.
N’en déplaise à M. Geagea, l’affaire aurait pu en rester là et prendre son cours normal devant la justice libanaise. Mais le chef des Forces libanaises a préféré lui donner un aspect politique tout en accusant les médias « du 8 mars » de le faire. Tout comme lors de l’arrestation du trafiquant de drogue Boutros Habchi alors qu’il était dans la voiture du député membre du bloc des FL Elie Kayrouz. Pour Geagea, il s’agissait aussi d’un complot contre lui, car, d’après ses affirmations, Habchi se trouvait dans la voiture de Kayrouz par hasard. Il voulait se rendre à Beyrouth et les gardes du corps du député l’avaient emmené puisque la voiture d’un député, c’est connu, est comme un « taxi service »...
Trêve de plaisanterie. M. Geagea et ses défenseurs devraient cesser de prendre les gens pour des imbéciles. Il est clair que depuis des années, les Forces libanaises utilisent l’argent du trafic de drogue entre la Békaa et la côte comme une des sources de leur financement. De toute façon, Habchi aussi bien que les personnes arrêtées à Ouyoun Orghoch font partie de leurs sympathisants si ce n’est de leurs membres directs. Tout comme il est clair que les FL ont conservé dans plusieurs régions éloignées dans la montagne des armes utilisées pendant la guerre civile et fabriquées en "Israël". Plutôt que de crier au scandale, Geagea devrait reconnaître ces faits. Et s’il veut vraiment convaincre les Libanais que les FL reconverties en parti politique veulent réellement édifier un Etat de droit et qu’elles ont effectivement renoncé à leur projet de « canton chrétien » et à leurs pratiques miliciennes, il doit cesser de se considérer avec ses hommes comme étant au-dessus de la loi. Au lieu de passer son temps à accuser le Hezbollah de former un mini-Etat dans l’Etat, il faudrait peut-être qu’il commence par renoncer à la zone de non-droit que sont devenues les régions sous son contrôle et qu’il cesse de croire que tout lui est permis. Il a certes réussi à infiltrer les institutions de l’Etat au cours des cinq dernières années, mais il doit désormais comprendre que les temps ont changé et que non seulement, il ne peut plus se présenter en victime, mais de plus, il ne trompe plus personne.

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