noscript

Please Wait...

ramadan2024

Désamour entre l’Eglise maronite et les Forces libanaises

Désamour entre l’Eglise maronite et les Forces libanaises
folder_openAnalyses access_time depuis 10 années
starAJOUTER AUX FAVORIS

  Par Samer R. Zoughaib

Depuis l'élection du patriarche Béchara Raï à la tête de l'Eglise maronite, la relation n'a cessé de se détériorer entre le patriarcat et le 14-Mars, notamment les chrétiens membres de cette coalition. Les divergences portent sur la plupart des dossiers libanais et régionaux. Le temps où le perron de Bkerké était considéré comme la tribune privilégiée du 14-Mars est révolu... et n'est pas prêt à revenir.

Entre le patriarcat maronite et les chrétiens du 14-Mars, plus particulièrement les Forces libanaises (FL), les questions litigieuses s'accumulent à tel point que tout rapprochement est devenu très difficile. Certes, les deux parties tentent de ne pas étaler leurs différends ouvertement dans les médias, mais de temps à autre, les divergences affichées publiquement donnent lieu à des frictions et des critiques, parfois directes.

Le dernier épisode de ce désamour s'est joué autour de la question du gouvernement de fait accompli, voulu par le président Michel Sleiman et le Premier ministre désigné, Tammam Salam, et dont le chef des FL, Samir Geagea, est l'un des plus ardentsDésamour entre l’Eglise maronite et les Forces libanaises
défenseurs. Le patriarcat a ouvertement exprimé son opposition à une telle démarche et deux éminents évêques, Samir Mazloum et Boulos Sayyah, sont intervenus sur plusieurs médias pour mettre en garde contre une telle mesure.

Samir Mazloum, également vicaire patriarcal, a qualifié le gouvernement de fait accompli de «provocation qui entrainera des réactions», affirmant qu'un tel cabinet «torpillera l’élection présidentielle et constituera un danger pour toute la société libanaise».

Les milieux du 14-Mars ont essayé de faire croire que le projet de gouvernement neutre envisagé par le président Sleiman avait initialement la bénédiction du patriarche Raï, qui aurait ensuite changé d'avis après s'être laissé convaincre par les arguments du président du Parlement, Nabib Berry. Mais des sources bien informées assurent que le prélat n'a jamais cautionné une telle mesure.

Dans un entretien accordé vendredi 3 janvier au quotidien Al-Joumhouria, Mgr Mazloum a rappelé que «le patriarche a appelé à maintes reprises à la formation d’un gouvernement d’union nationale». Le vicaire patriarcal s'est dit étonné du timing de la formation d’un cabinet de fait accompli. «Pourquoi n’avoir pas formé un tel gouvernement il y a huit mois s’il représente réellement la solution à la crise? Quelque chose s’est produit et nous ne savons pas quoi. Surtout que le président Sleiman a évoqué avec le patriarche Raï, à plusieurs reprises, la nécessité de former un gouvernement d’union nationale».

Dans sa dernière homélie dominicale, Mgr Raï a renvoyé dos à dos toutes les parties libanaises. «Que les protagonistes sachent qu'ils sont, eux, responsables de toutes les explosions», a-t-il dit.

Cette phrase a provoqué une levée de bouclier de la part de Samir Geagea et du secrétaire général du 14-Mars, Farès Souhaid. Ce dernier a qualifié «d'injuste» le fait que «la victime et le bourreau soient mis dans un même sac». Nouvelle réplique de Mgr Mazloum, qui a déclaré que «lorsqu'il s'agit de la destruction du pays, tous sont des bourreaux».

Les mêmes sources assurent que les milieux ecclésiastiques sont «très en colère de la campagne lancée par les FL et les chrétiens du 14-Mars contre le patriarche maronite». «L'écrasante majorité des membres du Conseil des évêques, ainsi que les vicaires patriarcaux jugent inacceptable que des critiques soient adressées à la tête de l'Eglise maronite en raison de ses positions concernant des questions d'intérêt national», ajoutent ces sources.

Contre l'isolement du Hezbollah

Autre point de divergence entre les deux parties, l'attitude à l'égard de la Résistance. Les chrétiens du 14-Mars, menés par les Forces libanaises, ont fait de l'isolement du Hezbollah un objectif politique majeur. S'alignant totalement sur la position de l'Arabie saoudite et du Courant du futur, Samir Geagea n'a de cesse de répéter que le prochain gouvernement ne doit pas comporter des membres de ce parti. En appelant à la formation d'un cabinet d'union nationale, c'est-à-dire comprenant toutes les forces politiques du pays, le patriarcat exprime son rejet de toute tentative d'isoler ou d'exclure une quelconque composante de l'échiquier national. Ce n'est pas tout. Le patriarche Raï a reçu à Bkerké, le 26 décembre dernier, une délégation du Hezbollah, comprenant les membres du Conseil politique Ghaleb Abou Zeinab et Moustapha Hajj Ali, venue lui présenter ses vœux à l'occasion de Noël.

D'ailleurs, le contact est permanent entre le patriarcat maronite et le parti. Le 9 novembre 2012, une délégation conduite par Ibrahim Amine el-Sayyed, chef du Conseil politique du parti, a visité Mgr Raï pour le féliciter à l'occasion de sa désignation cardinal par le pape Benoit XVI. Quelques semaines plus tôt, le 7 septembre, c'est le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, qui était à Bkerké pour exprimer son appui à la visite du pape Benoit au Liban, prévue le 14-15 septembre. Des sources informées citées par la presse avaient indiqué, à l'époque, que «la rencontre a eu lieu dans un climat positif et intime». Le 18 mars 2011, soit quelques jours seulement après l'élection de Mgr Raï, une délégation s'était rendue au patriarcat pour le féliciter et lui souhaiter le succès dans sa mission.

Profondes divergences sur la Syrie

L'Eglise maronite et les chrétiens du 14-Mars adoptent des positions diamétralement opposées au sujet de la crise syrienne. Les FL et leurs alliés appuient sans réserve la rébellion, appellent au renversement du régime et ont soutenu l'intervention militaire occidentale, lorsqu'elle était encore envisagée. Samir Geagea a longtemps nié l'existence d'une faction extrémiste et takfiriste menaçant les chrétiens de Syrie. Lors de la prise de la ville de Maaloula une première fois par le Front al-Nosra, en septembre dernier, il a parlé de «racontars». Il s'est muré dans un silence embarrassé après le rapt des deux évêques d'Alep, en mai dernier, et de l'enlèvement des douze religieuses de Maaloula, en novembre.

Le patriarche Raï, soutenu par l'ensemble de l'Eglise et par le Vatican, a adopté dès le début une position très réservée vis-à-vis des événements en Syrie. Il a rapidement compris la véritable nature de ce mouvement et le danger qu'il constitue pour les minorités en général et les chrétiens en particulier. Il a émis de vives critiques à l'égard du «printemps arabe», exprimant ses craintes d'un éventuel démembrement des Etats de la région, «ce qui servirait les intérêts d'Israël».

En dépit des campagnes de dénigrement dirigées contre lui, y compris les attaques personnelles et les insinuations calomnieuses véhiculées par l'écrivain libanais installé en France Antoine Basbous (proche des Forces libanaises), il n'a pas changé ses positions. Le 28 septembre dernier, il a déclaré lors d'une réunion du Conseil des patriarches catholiques d’Orient: «Malheureusement, ce printemps (arabe) s’est transformé en hiver, en fer et en feu, en tueries et en destructions, alors que les peuples aspiraient à une vie nouvelle et à des réformes dans l’univers de la globalisation».

On le voit bien, sur presque tous les dossiers, les positions de l'Eglise maronite et des chrétiens du 14-Mars sont inconciliables. Dans ces conditions, les rêves présidentiels de Samir Geagea auront bien du mal à se concrétiser.

Source: French.alahednews

Comments

//