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Sayed Nasrallah révèle les secrets de la guerre de juillet 2006 (2)

Sayed Nasrallah révèle les secrets de la guerre de juillet 2006 (2)
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GBJ-Nous parlions avant la pause des personnalités qui étaient considérées comme vos partenaires, comme le président Emile Lahoud, le Premier ministre Sélim Hoss, le Président de la Chambre Nabih Berry, Sleiman Frangié, feu Fathi Yakan et d'autres, comme Talal Arslan, Abdel Rahim Mrad, Oussama Saad...Mais dites-nous franchement, avez-vous été surpris par la position du général Aoun pendant la guerre de 2006, surtout qu'elle a eu lieu six mois à peine après la conclusion du document d'entente entre le CPL et le Hezbollah ?
SHN-Personnellement, non. Car, quand je l'ai rencontré -la première rencontre au eu lieu à l'Eglise Mar Mikhaël, en février avant la guerre, et il y a eu un aparté entre nous- j'ai entendu sa position à ce sujet. Il l'avait exprimée en toute clarté. Plus tard, lorsque nous nous retrouvions autour de la table du dialogue ou dans des rencontres bilatérales, il exprimait aussi clairement sa position. Vous découvrez d'ailleurs rapidement que le général Aoun ne vous dit quelque chose en face en cachant quelque chose d'autre. Une des qualités du général Aoun est la clarté de sa vision et la clarté dans l'expression de son avis. Il avait exprimé son opinion avant la guerre au sujet de la résistance et de la lutte contre Israël, ainsi que sa vision de la protection du Liban ; Il est d'ailleurs un ancien commandant en chef de l'armée et il connaît les équilibres militaires et stratégiques. Il sait ce que signifient une armée régulière et une résistance populaire. Jusqu'à maintenant, il dit qu'il a fait ses choix en matière stratégique. Il l'avait déjà fait à l'époque.
Dans sa nature, c'est quelqu'un qui s'engage à fond lorsqu'il s'engage. Il est connu pour cela. Il adopté une position et fait un choix et il vous dit que c'est sa vision stratégique et son option stratégique. Il peut diverger avec vous sur des questions internes, c'est une autre affaire. Mais je n'ai pas été surpris par sa position, qui était historique. Je crois l'avoir qualifiée une fois de position morale. Cela veut dire au-delà de la politique, même si dans le fond c'est aussi une position politique. Aujourd'hui j'ajoute historique. Certains au 14 mars avaient alors dit : vous verrez demain, car ils étaient convaincus que les Etats-Unis, l'Occident et les arabes et tout le monde allait flanquer une cuisante défaite au Hezbollah. L'une de ces personnes du 14 mars avait déclaré : «Lorsque la guerre finira il faudra chercher le général Aoun dans un des hôpitaux psychiatriques de France». Celui qui a dit cela est une personnalité connue... Le général Aoun avait donc cette position et à plus d'une occasion, je lui ai exprimé mes remerciements pour cela. Je l'ai refait lors de notre dernière rencontre et il m'a dit : «Vous n'avez pas besoin de me remercier. C'est mon choix et l'expression de mes convictions et de ma vision stratégique. Mais je réitère mes remerciements au général Aoun et à toutes les personnalités que vous avez citées qui se sont tenues aux côtés de la résistance. Certaines ont même été partie prenante dans la bataille. C'est pourquoi je vais éviter de citer des noms. D'autant qu'il y en a beaucoup et j'aurais peur d'en oublier.

GBJ-Sans vouloir être l'avocat du diable, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit : si nous avions mis notre tête entre les mains de Siniora, il l'aurait coupée. Pourquoi ?
SHN- Depuis le début, j'étais soucieux de faire des réponses courtes. Mais là, vous allez me permettre de m'étendre un peu. Depuis 2005 et l'assassinat du président Rafic Hariri et la création d'une nouvelle situation politique dans le pays, les armes de la résistance sont devenues au cœur du débat interne dans le pays. Bien entendu, cela signifie essentiellement la résistance dans son ensemble, car que vaut une résistance sans armes et que fait-elle ? De la poésie ? Depuis 1965, les Arabes font de la résistance avec de la poésie dans les médias avec de la littérature et en politique. Avec tous mes respects pour ces moyens qui constituent une partie de la résistance et complètent l'utilisation des armes. Mais celles-ci restent le principal moyen. Donc, toute la pression étai mise sur les armes de la résistance et lorsque le président de la Chambre a convoqué une conférence pour le dialogue national, ils ont répondu à l'appel pour voir comment traiter la question des armes de la résistance. Je l'ai dit pendant le mois du Ramadan, que depuis le début, l'objectif du 14 mars n'était pas de défendre le Liban, ni de mettre au point une stratégie nationale de défense, mais bien de s'emparer des armes de la résistance par tous les moyens. C'est certes une simplification, mais c'est ainsi. Donnez-nous les armes de la résistance, ou donnez-les à l'armée. Leur but, ce n'est pas qu'elles soient remises à l'armée. Car si je leur dis aujourd'hui, j'ai décidé de détruire ces armes ou de les jeter dans la mer, ou encore de les rendre à ceux qui nous les ont données, ils acceptent. Tout cela est bâti sur des données, des informations, des débats, des dialogues et des prises de positions publiques. Ce qu'ils veulent, c'est se débarrasser de la résistance. Les efforts à la table du dialogue allaient dans ce sens. Puis la guerre a éclaté. J'ai déjà évoqué leur position pendant la guerre. Je ne veux pas me répéter. Les Libanais et les Arabes qui ont suivi la guerre connaissent leur position politique et médiatique ainsi que leur façon de se comporter. Qu'importent ce qu'ils disent et ce qu'ils ont inventé, nous accusant tantôt d'avoir provoqué la guerre pour détourner l'attention du dossier nucléaire iranien et tantôt pour faire dégager la Syrie du dossier du TSL. Tout cela est stupide. Je ne vais pas perdre mon temps avec ces racontars. Mais le gouvernement, dont nous faisions partie, qui était dirigé par Fouad Siniora et alors que l'accord quadripartite était encore en principe en vigueur (des engagements avaient été pris qui n'ont jamais été respectés), depuis le début de la guerre, avait adopté les objectifs des autres. Dès les premiers jours, le gouvernement de Fouad Siniora, son camp politique et ceux qui se tiennent derrière, en voyant les immeubles s'effondrer et le million de déplacés, ont parlé de briser le Hezbollah. Ils ne proposaient pas une médiation, mais au contraire exerçaient des pressions sur nous. Par exemple, alors que les bombardements étaient intenses et qu'Israël parlait de détruire le Hezbollah, ils nous ont contactés pour nous dire : si vous voulez que la guerre s'arrête, vous devez accepter ce qui suit. Ils ne proposaient pas une médiation, mais exerçaient des pressions, du genre : si vous n'acceptez pas la guerre se poursuivra et vous assumerez la responsabilité de la destruction du pays. Cette guerre n'a pas d'horizon. Ok, que voulez-vous que nous acceptions ? Un : la remise des armes de la résistance ! Deux : accepter le déploiement de forces multinationales (pas de l'ONU) au sud, le long des frontières avec Ia Palestine occupée et la Syrie, à l'aéroport et dans les ports, autrement dit, dans tous les points de passage délicats pour s'assurer que de nouvelles armes ne seraient pas introduites. Trois : La remise des deux prisonniers de guerre. A ce sujet, ils ont ensuite réduit leurs revendications en proposant qu'ils soient remis au gouvernement libanais. Mais si cela avait été fait, ils ne seraient pas restés deux heures entre les mains du gouvernement. 

GBJ-Ils ont ensuite baissé encore le plafond en proposant la remise de l'un des deux otages ?
SHN-Commençons par là. La guerre a éclaté. Nous avons dit non. Les objectifs étaient pourtant clairs. Tout cela était clair sur les chaînes de télévision et dans les documents. Vous avez d'ailleurs montré tout cela dans vos émissions avec des documents. Olmert en tête, tous voulaient la destruction de la résistance. Même les Mémoires de Georges W Bush reprennent ces termes. Un des leaders nationaux libanais contacte alors l'Arabie saoudite pour solliciter une intervention du roi Abdallah. Le roi n'est pas là. Ce médiateur parle à l'émir Nayef qui était alors ministre de l'Intérieur et qui est un des piliers du régime pendant cette guerre. Il reçoit une réponse claire : n'en parlez pas. Il existe une décision internationale et régionale pour briser le Hezbollah. Notez bien l'unité du langage chez toutes les parties. A ce moment, une délégation arabe s'est rendue à New York pour des négociations et elle a rencontré John Bolton (ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU) et ce dernier a dit : ne perdez pas votre temps, cette guerre ne s'arrêtera que si le Hezbollah est brisé, détruit ou remet ses armes.
Ce camp politique avait adopté ces revendications. En disant cela, je ne les diffame pas et je ne les accuse pas injustement. Les réalités le montrent.
Nous avons poursuivi la guerre et les Israéliens ont commencé à baisser le plafond de leurs exigences. Il a encore baissé et l'objectif n'était plus de briser le Hezbollah, ni de le détruire. A la fin de la guerre, ils voulaient 15000 soldats de la Finul déployés au Sud, il a fini par accepter 2000. Ils voulaient sortir le Hezbollah du Sud du Litani. Il a fini par accepter sa présence dans cette zone. Ils voulaient le désarmement du Hezbollah et il a fini par accepter qu'il garde ses armes. Il est réellement descendu jusque-là. Et au sujet des prisonniers, on entame des négociations.
En pratique, les Israéliens ont bien rabaissé le plafond de leur revendications, alors qu'ils ont eux, maintenu le plafond élevé. Où étaient nos souffrances pendant les derniers jours de la guerre ?Certes, chaque jour de cette guerre était douloureux et nous n'avons à aucun moment menti senti qu'au sein du gouvernement, dans les débats et les réunions, il y avait un Premier ministre et son camp politique qui étaient solidaires avec nous, ne serait-ce que sur le plan humanitaire ou sur le plan moral. Sur le plan politique, son projet était certainement ailleurs, il était question de la guerre et lui parlait de rétablir l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire libanais.
D'ailleurs, après la guerre, que s'est-il passé le 5 mai 2008 ? Dans le rapport Winograd, il est apparu que l'élément de force le plus important du Hezbollah est le commandement et le contrôle des communications. N'est-ce pas le gouvernement Siniora qui a pris la décision de frapper cet élément de force qui a largement contribué à la victoire de 2006 ? C'est bien son gouvernement qui l'a fait. C'est une réalité concrète et essentielle. Le problème est là. 

GBJ-Le problème était-il avec lui ou avec un camp politique ?
SHN- Avec un camp politique.

GBJ-Avec un camp politique interne ou avec ceux qui le protègent à l'extérieur ?
SHN-Je vous l'ai dit ceux qui se tiennent derrière lui et au-delà, bien au-delà de lui.

GBJ-Arabes ou internationaux ?
SHN-Arabes oui. Il y avait une décision internationale, arabe et régionale et certains Etats régionaux sont impliqués, le régime de Hosni Moubarak en Egypte, le royaume arabe d'Arabie saoudite... si vous voulez je peux continuer.

GBJ-S'il vous plaît, faites...
SHN-Non, cela suffit comme cela. Ce sont les plus importants. Des Etats arabes sont impliqués dans cette guerre et ce camp politique a tenté de l'utiliser sur le plan interne. Non pas dans l'intérêt des civils, des habitants du Sud et de la Békaa. Non pas dans l'intérêt de la résistance et de la souveraineté, ni encore dans celui des fermes de Chebaa ou des détenus. Tout cela ne compte pas pour lui. Non, il a voulu profiter de cette guerre pour en finir avec la résistance et de ses armes. C'est pourquoi la guerre s'est prolongée et ce projet continue. Jusqu'à cet instant, il se poursuit. C'est pourquoi ce camp est le même, il a les mêmes arrières pensées, le même esprit et la même orientation. 

GBJ-Ce camp est-il le même à l'intérieur et à l'extérieur ?
SHN-Oui.

GBJ-Le même ? Y compris les Etats que vous avez nommés ?
SHN-Oui et en pire encore. 

GBJ-Que voulez-vous dire par pire ?
SHN-Cela signifie qu'aujourd'hui, il utilise tous les moyens disponibles. Pendant la guerre de juillet, il y avait une hésitation à utiliser le discours confessionnel. Aujourd'hui, il n'y a plus de tabous, ni d'interdits, dans la guerre contre la résistance. Ni sécuritaires, ni politiques, ni financières, ni économiques, si sociales. La situation est claire, en tout état de cause. Je me contente de ce détail. Vous avez d'ailleurs développé les débats au sein du Conseil des ministres dans vos émissions. J'ai donné le cadre général. Je me souviens même qu'au cours des derniers jours de la guerre, la délégation arabe à New York a contacté le président Berry pour lui demander : « Que se passe-t-il chez vous ? Nous, autres, nous sommes prêts ! ». Autrement dit, le problème était interne, au Liban, et non aux Nations unies. C'est la réalité. 

GBJ-Concernant la délégation arabe, ce que l'on sait que lorsqu'elle est arrivée à New York, les Américains et les Israéliens refusaient d'entrer dans les négociations. Soudain, les Israéliens se rendent chez cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al Thani pour lui dire : nous acceptons tout ! Que s'est-il passé ? Quel est donc ce secret qui a poussé les Israéliens à vouloir du jour au lendemain les négociations et à insister pour un cessez-le feu ?
SHN-Aujourd'hui, il y a certes un problème entre nous et cheikh Hamad au sujet de la situation dans la région et en Syrie. Mais nous n'avons aucun doute sur le fait que son action à New York pendant la guerre de juillet était bonne. Même si nous sommes entrés en conflit par la suite, quand il y a une action juste, nous ne pouvons que la reconnaître. Aujourd'hui, par exemple, certains nous critiquent parce qu'à un moment, nous avons dit : « merci le Qatar ». C'est vrai nous l'avons dit, le Qatar s'est tenu à nos côtés, l'émir Hamad est venu dans la banlieue, a reconstruit et a aidé...Plus tard, nous ne pouvions plus lui dire merci à cause de ses positions dans la région. Je généralise pour ne pas rester limité au dossier syrien. Cela entre parenthèses.
Je vais raconter une histoire qui apportera la réponse à votre question. Quelque temps après la guerre, cheikh Hamad ben Jassem a demandé à me voir et à peine assis, il m'a dit : « en réalité, j'avais planifié de vous voir alors que j'étais à New York pour vous poser une question. Laissez-moi commencer par cela et ensuite, nous passerons à autre chose ». J'ai répondu : « Bien sûr, vous êtes mon invité, posez la question que vous voulez ». « Je vais vous raconter cette histoire. Quand nous étions à New York, Amr Moussa, moi-même et d'autres, nous nous sommes rendus chez John Bolton (vous savez, ils sont amis) et il nous a apostrophés en nous disant : que venez-vous faire ? Nous lui avons répondu : Nous sommes envoyés par la Ligue arabe pour voir comment arrêter la guerre. Bolton a répondu : Allez plutôt vous amuser et vous promener. Ici, vous perdez votre temps. Il y a deux solutions pour arrêter la guerre : soit le Hezbollah est brisé et détruit, soit il accepte de déposer ses armes. Il n'y a aucune autre possibilité. Cheikh Hamad a poursuivi a disant que la délégation a répondu à Bolton, laissez- nous faire des tentatives, essayons de discuter. Les discussions ont commencé. Un jour, deux jours, trois jours, quatre jours. Les Israéliens ont commencé à faire quelques concessions, mais ils continuaient à insister sur certains points. Il a commencé par exemple à ne plus exiger le désarmement du Hezbollah sur l'ensemble du territoire pour dire ensuite qu'il veut une zone démilitarisée au sud du Litani. Il réclamait ainsi le déploiement de 15000 soldats de l'Onu dans les zones où il se trouvait avant de s'en retirer. Les civils qui sont partis n'ont pas le droit de revenir chez eux avant le déploiement de ces 15000 soldats. Ils ont commencé à interroger les pays prêts à envoyer des soldats pour savoir combien de temps pour s'exécuter. Quatre ou cinq mois, telle a été la réponse. Que fait-on en attendant ? Un cessez-le feu avec une zone démilitarisée au sud du Litani et les déplacés resteront en dehors de leurs villages jusqu'à l'arrivée des 15000 soldats de l'ONU. Tout cela nous était proposé et nous refusions.
Le cheikh a déclaré à ce moment : Au cours d'une nuit de négociations épuisante, alors qu'ils insistaient sur le déploiement des 15000 soldats et alors qu'il était de plus en plus où était le problème et où était la solution, je suis rentré à l'ambassade du Qatar pour dormir un peu. Une demie- heure après mon arrivée, on me dit que le délégué d'Israël à l'Onu souhaite me voir. J'ai donné mon accord pour qu'il entre. (Il semble que cela soit banal pour eux). Le délégué israélien est donc entré et il a dit à cheikh Hamad : Nous avons besoin de vos efforts. Nous voulons la tenue d'une réunion du Conseil de sécurité et nous voulons mettre fin à la guerre. Cheikh Hamad raconte qu'il lui a demandé s'il se moquait de lui. Si c'est le cas, ce n'est pas le moment après cette nuit épuisante. Mais l'Israélien a affirmé qu'il était sérieux. Cheikh Hamad lui demande alors ce qui s'est passé pour justifier ce changement et le délégué israélien a répondu : je ne sais pas. Nous avons reçu un coup de fil de notre gouvernement dans lequel il nous a donné des instructions pour mettre un terme à la guerre à n'importe quel prix. Cheikh Hamad a demandé si les Américains en ont été informés et le délégué israélien a répondu par l'affirmative. Cheikh Hamad a alors requis le temps de s'habiller avant de se rendre de nouveau aux Nations unies. Cheikh Hamad raconte qu'à son arrivée au siège de l'Onu, il voit John Bolton dans l'entrée. Ce dernier lui donne l'accolade en lui disant : nous avons besoin de votre énergie. Nous voulons prendre une décision et arrêter cette guerre. Ce sont des propos très importants.
Cheikh Hamad raconte qu'il lui alors demandé : Le Hezbollah a-t-il été détruit ? Bolton a répondu par la négative. A-t-il déposé ses armes, insiste cheikh Hamad. Non, a encore répondu Bolton. En a-t-il au moins accepté le principe ? Bolton répond encore par la négative. Que se passe-t-il donc ? demande cheikh Hamad ?« Je l'ignore, répond Bolton. Ce que je sais c'est qu'Olmert a contacté George Bush lui dire stop. Arrêtez pour nous cette guerre. Nous voulons donc voir maintenant comment vous allez arranger les choses ».
Cheikh Hamad poursuit son récit en disant que tout le monde est entré dans la salle de réunion. La délégation arabe a demandé aux Israéliens : vous voulez enlever les armes dans la zone au Sud du Litani ? et les Israéliens ont répondu qu'ils n'ont pas de problème à ce que les armes restent au sud du Litani. Quid au sujet des 15000 soldats de l'Onu. Il faut quatre ou cinq mois pour les déployer ? ont encore demandé les Arabes. Ce n'est pas grave ont répondu les Israéliens. Nous acceptons qu'ils ne soient que 2000. Que l'on fixe une date et nous nous retirerons. Et les otages ? nous entamerons des négociations et nous procèderons à un échange.
Cheikh Hamad affirme qu'il a été totalement surpris, se demandant pourquoi cela fait des jours que l'on discute et que l'on se heurte à un mur. « Je me suis dit qu'il s'est passé quelque chose. Depuis, je me suis promis de vous voir pour vous poser la question et comprendre pourquoi ce soir-là, il y a eu un effondrement dans la négociation politique israélienne. 

GBJ-Au cours des derniers jours ?
SHN-Oui, un effondrement dans la négociation. J'ai répondu à cheikh Hamad : Je ne sais pas de quelle nuit vous parlez exactement. Mais ma réponse à cheikh Hamad est celle que je vais faire aux téléspectateurs. Dans ses mémoires, que dit George Bush au cours des derniers jours de la guerre ? Il dit : nous avons discuté s'il fallait poursuivre la guerre ou non. Même « la mère du Nouveau Moyen Orient » Condoleezza Rice a dit qu'il fallait arrêter la guerre. Certains chefs israéliens disent que si la guerre s'était poursuivie, Israël se serait effondré. Ce n'est pas moi qui dit cela. Mais dans le concret et le direct, qu'est ce que je sais sur cette question ? Je crois que cette attitude est le fruit d'un cumul d'éléments, le cumul des 33 jours et non le résultat de ce qui s'est passé en une seule nuit. Même s'il y a eu un développement qualitatif au cours des derniers jours.
D'abord, l'aviation a été utilisée et ne servait plus à rien, les cibles étant bombardées trois et quatre fois, sans pouvoir empêcher le lancement de missiles et trancher l'issue de cette guerre. Les bombardements aériens n'ont même pas réussi à tuer des chefs importants et de premier plan, ni même des chefs « moyens ». La résistance était encore dynamique et en pleine forme. Les Israéliens le savait grâce à leurs écoutes et à la situation sur le terrain. La carte des bombardements aériens était donc devenue inutile.
Deuxièmement, la force navale avait été aussi éliminée depuis le bombardement du navire Saer.
Troisièmement-Les Israéliens ont alors décidé d'avoir recours à la carte du terrain. Ils y sont entrés avec leurs troupes d'élite. Il y a eu une confrontation féroce. Ses blindés ont été atteints et il ne pouvait plus avoir recours aux hélicoptères pendant la journée. Car les avions militaires bombardent des cibles mais ne transportent pas des troupes et de la logistique. Or, s'ils veulent introduire des forces terrestres, ils doivent pouvoir leur approvisionner et leur fournir la logistique nécessaire. Pour cela, il a besoin des hélicoptères. Mais nous avions réussi à cibler des hélicoptères en pleine journée. Il ne leur restait plus qu'à les faire voler de nuit. Au cours des derniers jours, les Israéliens ont utilisé tous les moyens dont ils disposaient. Entre parenthèses, certains disent que le problème était dans l'impuissance en général des Israéliens, non dans des failles précises. Winograd parle différemment. Ce rapport constate que dans toutes les guerres israéliennes avec les Arabes, les israéliens avaient des lacunes, dont certaines sont dangereuses, et cela ne les avait pas empêchés de les gagner. La faille qui s'est produite dans cette guerre n'est pas dans les lacunes habituelles. Le problème est donc dans la partie qui les combat dans le camp adverse.
Il ne restait donc plus aux Israéliens que de s'imposer en ayant recours massivement aux chars. C'est ce qu'ils ont fait. Mais les chars ont été frappés dans « le massacre » que vous connaissez. Ils se sont mis à transporter leurs troupes de nuit par le biais des hélicoptères derrière les lignes, pour disperser le front et nous bombarder par derrière. Il a pu ainsi transporter quelques troupes, en se basant, d'après leurs observations des premiers jours, sur le fait que lorsque l'hélicoptère volait de nuit, la résistance ne l'attaquait pas. Ils en ont déduit que la résistance avait une faiblesse dans le ciblage des hélicoptères qui volent de nuit. Ils ont décidé de transporter les troupes derrière les lignes et ils voulaient nous prendre à revers, en débarquant au Litani - c'est pourquoi ils ont fait un effort vers Ghandourié- et pour dire ensuite : nous avons encerclé les forces de la résistance au sud du Litani. Cela aurait provoqué un développement important et dangereux dans la guerre. Ils misaient donc sur le fait que la résistance ne peut pas faire descendre des hélicoptères de nuit. Mais au cours des derniers jours, la résistance a réussi à faire chuter un hélicoptère très moderne près de la colline de Mariamine près de Yater et cela de nuit. Il a été dit à l'époque que cet hélicoptère transportait 5 officiers qui devaient être chargés de mener les opérations de prise à revers.
Que s'est-il donc passé pour les Israéliens ? Lorsqu'ils utilisent les chars, ils sont frappés par les missiles Kornett. Lorsqu'ils transportent des troupes de nuit, l'hélicoptère est pris pour cible. Il était donc devenu dangereux de transporter des troupes dans un sens ou dans l'autre, pour les débarquer ou pour les ramener. Il ne leur restait donc plus rien. Ils ont arrêté la guerre parce qu'elle n'avait plus d'horizon et qu'elle n'était plus en mesure de leur assurer une victoire, mais seulement d'augmenter leurs pertes, notamment parmi les soldats et les officiers. Car la plupart de leurs morts militaires sont tombés au cours des derniers jours. En même temps, leur front interne était la cible de bombardements et ils ne pouvaient plus faire grand-chose.
C'est pourquoi, et c'est la réponse que j'ai faite à cheikh Hamad, le changement d'attitude israélien est dû à un cumul qualitatif. L'hélicoptère descendu près de Yater de nuit a balayé leurs derniers espoirs. Cet épisode a montré clairement aux Israéliens qu'ils n'étaient plus en mesure de faire quelque chose ou de procéder à un renversement de situation. Ils ont donc décidé d'arrêter la guerre parce qu'elle ne leur était plus utile. Je voudrais conclure cette partie en disant : si nous avions un commandement politique au Liban, un gouvernement en harmonie, national, sincère qui cherche réellement comment favoriser la souveraineté du Liban, la guerre se serait terminée sur la base des conditions libanaises. Je n'exagère pas. Toutes les données et les témoignages confirment cela. Nous aurions pu obtenir la libération des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba, ainsi que celle de nos otages -ou en tout cas ceux qui restent encore chez l'ennemi- Bref, nous aurions pu imposer nos conditions. Malheureusement, le combat politique était à l'intérieur, non au Conseil de sécurité.

GBJ-Au sujet de l'intérieur, comment voyez-vous la situation gouvernementale ? Y a-t-il un gouvernement du fait accompli ou un autre ?
SHN-Je voudrais d'abord présenter mes excuses aux téléspectateurs parce que je parle avec émotion dans cette partie. Lorsque nous évoquons ces jours-là, nous éprouvons de la souffrance. Pourtant, après la guerre, nous nous sommes mis à parler de l'unité nationale. Nous avons dédié notre victoire à tous les Libanais et nous n'avons ouvert un règlement de comptes avec personne. Au contraire, dans mon discours du 22 septembre 2006, j'ai dit que nous voulons être « main dans la main et épaule contre épaule ». Nous sommes restés avec le même gouvernement, avec ce camp politique, pour reconstruire le pays. Voilà comment nous nous sommes comportés alors que nous vous avons dit une partie de ce qui est arrivé avec nous pendant la guerre. 

GBJ-C'est vrai. Mais ils peuvent vous dire que vos armes sont restées à l'intérieur et elles ont continué à les menacer. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé le 7 mai 2008 et avec les fameuses « chemises noires », jusqu'à aujourd'hui. Si le Premier ministre Siniora et son camp nous écoutent, ils peuvent vous dire que ce qu'ils craignaient en 2006 est réellement arrivé et ses craintes étaient vérifiées...
SHN-Non, le 7 mai 2008, ils ont attaqué la résistance et ses armes. La résistance s'est trouvée en situation de légitime défense. Je vous ai dit que pendant la guerre, le problème interne était avec ce camp. Après 2006, nous avons continué à coopérer avec lui et même après l'accord de Doha, vous pouvez demander au Premier ministre Siniora et après lui à cheikh Saad Hariri, quel était le comportement de nos ministres au sein de ces gouvernements, leur coopération, leur sérieux et leur attitude positive. Nous ne sommes pas comportés avec un esprit de rivalité et d'adversité. Cela est entre parenthèses.

GBJ-Au fait, vous n'avez rien dit sur cheikh Saad Hariri, peut-être parce qu'il n'était pas au pouvoir en cette période ?
SHN-C'est fini.

GBJ-Peut-être pour camp en général. Mais je voudrais parler de cheikh Saad Hariri. Il y aujourd'hui le problème du gouvernement. Jusqu'à quand cette situation va-t-elle se prolonger ? Que faites-vous si un gouvernement du fait accompli pour en finir est formé avec les centristes ?
SHN-Puisque le débat porte sur l'intérêt national, il faut dire que malheureusement au Liban, des accusations d'entraver la formation du gouvernement sont lancées. Lorsque Tammam Salam a été désigné pour former le gouvernement, le climat général était encore électoral. Des conditions ont été posées, même si lui, déclare le contraire. Nous disons que des conditions lui ont été imposées. Et si ce n'est pas le cas, alors c'est lui qui s'est fixé des conditions qui entravent et paralysent la formation du gouvernement. Dans un pays comme le Liban, il a dit vouloir former un gouvernement sans des personnes affiliées à un parti- certes il n'a pas dit le Hezbollah-, mais je ne veux pas de partis. Un point c'est tout. Le camp du 14 mars, et derrière lui les Américains, ont dit qu'ils ne veulent pas que le Hezbollah participe au gouvernement. Tammam Salam, je ne veux pas de membres de partis, ni de candidats aux élections, ni de noms provocants. Qui visait-il en parlant de « noms provocants » ? Tous les Libanais le savent. Ensuite, il a parlé de la rotation des maroquins. En fait, il ne veut pas former de gouvernement. Car dire tout cela, en cette période délicate et face à la crise de confiance profonde entre les parties libanaises, avec en plus un concept bizarre, celui des « noms non provocateurs », cela signifie qu'on ne veut pas former de gouvernement. Dans ce cas, est-ce le Hezbollah qui entrave la formation du gouvernement ? C'est lui qui a fixé ces conditions, pas nous. Tout ce qu'a dit notre camp - et pas seulement le Hezbollah-, c'est qu'il veut un gouvernement d'union nationale, dans lequel toutes les parties sont représentées, selon leur poids au Parlement. Voilà, cela tient en une phrase. Ce sont les autres qui ont posé des conditions. De plus, lorsque le président Saad Hariri pour dire : nous et le Hezbollah nous restons en dehors du gouvernement. Se place-t-il au dessus de ces considérations et ne veut-il plus le pouvoir ? 

GBJ-Il fait une concession et fait un sacrifice ?
SHN-Non, ce n'est pas un sacrifice. C'est une demande américaine et certains pays arabes, l'Arabie saoudite précisément, veulent un gouvernement sans le Hezbollah. Ils ne veulent pas que l'autre camp, indépendamment du Hezbollah, ait une participation réelle au sein du gouvernement. C'est pourquoi s'il faut pour cela que le Courant du Futur et le Hezbollah restent en dehors du gouvernement, ce n'est pas grave, car le Premier ministre appartient au 14 mars. La question est-elle limitée au Courant du Futur et à des forces politiques ? Avec tous nos respects pour le Premier ministre désigné, et nous avons participé à sa nomination, il appartient au 14 mars, même s'il n'est pas membre du Courant du Futur. Nous l'avons accepté en raison de ses qualités humaines. Tout cela montre précisément qui est en train d'entraver la formation du gouvernement...
Maintenant, il est question de la formation d'un gouvernement neutre. Y a -t-il des personnes neutres au Liban ? Citez-en moi une ! Il n'y en a pas. Il y a au Liban, une division politique verticale et horizontale profonde. Tout le monde est étiqueté, entre le 8 et le 14 mars et aussi le centre. Avons-nous des technocrates au Liban ? Les élections qui se déroulent au sein des ordres professionnels (avocats, médecins, ingénieurs...) sont politiques. Même les élections municipales sont politiques, contrairement au reste du monde. Il n'y a rien qui s'appelle technocrate et rien qui s'appelle neutre. Il peut nommer 20 ministres qui ne sont pas dans le Courant du Futur mais qui sont liés par ses décisions puisque ses propres membres. Je vais même vous en dire plus. Pour certains leaders politiques au Liban, il est plus facile de désigner pour les fonctions de ministres des « indépendants » que des membres de leurs partis. Pourquoi, parce que les membres des partis sont dans la formation, alors que « les indépendants » sont plus obéissants. Dire qu'on veut former un « gouvernement d'indépendants » ou de neutres est une duperie. C'est faux. Il n'ya rien de tel. Dans les circonstances actuelles, il faut former un gouvernement d'union nationale réelle si l'on est sérieux. 

GBJ-Le Premier ministre désigné bénéficie-t-il toujours de votre confiance ?
SHN-Nous continuons à le vouloir, à l'appuyer et à l'accepter comme Premier ministre.

GBJ-Le président Michel Sleiman a dit il y a quelques jours que le gouvernement Mikati appartient à une seule coloration. Dans ce cas où est le problème si un gouvernement est formé aujourd'hui ?
SHN-Avec mes respects pour le président de la République, cela a été rapporté, mais je ne l'ai pas entendu de sa propre bouche. En général, il vaut mieux entendre les propos directement. En tout cas, cette approche manque de précision. Il y a une erreur. Si je me souviens bien, lorsque notre majorité a désigné le Premier ministre Négib Mikati, il a demandé s'il pouvait demander à l'autre camp de participer au gouvernement et nous avons accepté. Ils l'ont paralysé pendant deux mois et il y a eu des débats entre eux. On sait par exemple que le parti Kataëb penchait pour la participation, alors que d'autres forces y étaient opposées. La position était difficile à prendre. Le Premier ministre Mikati est encore là -que Dieu lui donne vie le plus longtemps possible-, a demandé à cette époque s'il pouvait leur accorder le tiers de blocage. Nous avons dit aussi oui. Si nous le voulons pour nous-mêmes, ils ont le droit de le réclamer. C'est eux qui ont refusé de participer au gouvernement. Aujourd'hui, nous voulons participer au gouvernement. Ce sont deux situations différentes. Nous voulons participer car nous pensons que l'intérêt du pays exige que nous soyons tous ensemble et nous pensons qu'il faut que ce soit selon les poids respectifs au Parlement. 

GBJ-Mais s'ils forment un gouvernement ?
SHN-Nous en parlerons à ce moment.

GBJ-Selon vous, peuvent-ils former un gouvernement du fait accompli ?
SHN-Ils seraient en train de commettre une faute à l'égard du pays. Dans le gouvernement Mikati, nous n'avons écarté personne. C'est eux qui ont choisi de rester à l'extérieur du gouvernement. Dans un gouvernement du fait accompli, ils seraient en train d'ignorer la moitié du pays. 

GBJ-Pensez-vous que vos alliés, le président Berry et le général Michel Aoun et tous au sein du 8 mars, pourraient accepter de participer à un gouvernement sans vous ?
SHN-Non, pas du tout. Ils ne participeront pas sans nous et nous ne participerons pas sans eux. 

Traduit par French.alahednews

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